Zaha Hadid, une comète qui s’éteint

Depuis jeudi dernier, une figure phare de l’architecture contemporaine n’est plus. Zaha Hadid, architecte anglo-irakienne, est décédée à l’âge de 65 ans suite à une crise cardiaque.

Sa marque de fabrique était de concevoir des formes organiques et ondulantes, semblables à des ovnis venus d’un autre monde. Ses réalisations sont comme des bêtes indomptables : des objets architecturaux difficiles à apprivoiser par leur géométrie folle, leurs formes et leurs structures improbables. Retour sur un personnage fascinant du monde contemporain qui avait la folle ambition de réinventer le monde urbain.

« Être une femme architecte arabe, c’est comme une épée à double tranchant »

Première femme à recevoir le prix Pritzker en 2004, l’équivalent du Nobel en architecture, Zaha Hadid a dû percer dans un milieu hostile aux femmes, non sans difficulté. Dès ses débuts, elle a dû se heurter à beaucoup de résistance et mener un long combat pour briser les barrières, notamment à cause de son identité arabe.

MAXXI, musée national d'art du XXIe siècle (Rome, 2010). Crédit: Zaha Hadid Architects

MAXXI, musée national d’art du XXIe siècle (Rome, 2010). Crédit: Zaha Hadid Architects

Concevoir un nouveau monde

Visionnaire au génie créatif, Zaha Hadid a toujours cru en la possibilité de créer un monde différent de celui qu’on connaissait, et qui repousserait les limites de notre imaginaire. Cette vision futuriste du monde lui vient du contexte particulier où elle a grandi : dans les années 60, l’Irak, son pays natal, est alors en pleine reconstruction. Il y règne un extraordinaire positivisme et une foi inébranlable en l’avenir. C’est de là que jaillit une grande ambition de bâtir le futur. Ainsi, son architecture reflète le dynamisme de notre époque. Elle est déformée par la vitesse, le flux de mouvement et fait résonner les tensions de la ville contemporaine.

La folie déconstructiviste : une architecture « prête à flotter »

Déconcertante et vertigineuse, l’architecture de Zaha Hadid défie la pesanteur et bouleverse notre perception habituelle. Ses formes, d’apparence illogique, menacent d’instabilité et feignent l’incohérence : courbes audacieuses, formes affolantes, géométrie complexe, angles anxieux et asymétries. Zaha Hadid est une adepte du déconstructivisme, un mouvement en architecture qui vise à renverser les règles et les idées préétablies pour désorienter l’usager de l’espace et bouleverser sa perception habituelle. Maisons, fenêtres, toits n’ont plus rien de commun : tous subissent les folies et les fantaisies des architectes.

Zaha Hadid a longtemps mené des recherches à travers la peinture abstraite, l’abstraction étant pour elle le meilleur moyen de représenter ses idées complexes, fruit de son imagination indisciplinée. Fortement influencée par le suprématisme de Malevitc, elle explore les thèmes du dynamisme, du mouvement, de l’horizon multiple ainsi que la disparition du lointain et l’infini. Elle mène également des réflexions sur le phénomène de la perception et de la modification de l’espace-temps pour développer ainsi de nouveaux concepts spatiaux. Comme dans les toiles suprématistes, ses formes « prêtes à flotter » émergent à partir d’une explosion ou d’une fragmentation : les éléments sont disséminés et éclatés pour être ensuite recombinés. Ainsi en fait-elle avec l’espace.

Heydar-Aliyev Center (Bakou, 2012). Crédit: Zaha Hadid Architects

Heydar-Aliyev Center (Bakou, 2012). Crédit: Zaha Hadid Architects

Calligraphie, abstraction : l’influence arabo-musulmane

Le style architectural de Zaha Hadid est reconnaissable par ses entrelacs de droites et de courbes, ainsi que par la fluidité des formes et des espaces : des caractéristiques qui seraient empruntés de la calligraphie arabe. L’ influence de ses origines arabes est très tôt remarquée par son professeur Rem Koolhaas. Celle-ci se reflète également, dans ses conceptions, à travers la translation infinie vers les espaces extérieurs ou encore l’abstraction qui caractérise l’art islamique basé sur les conceptions géométrique, et qui bannit tout figuratif.