Zabor ou Les psaumes, un roman de Kamel Daoud

Zabor ou Les psaumes - Par Kamel Daoud

Plus qu’une histoire, c’est une discussion personnelle, une sorte de confession. Une réflexion profonde et un délire intime de Kamel Daoud, partagé ouvertement avec le monde.

Au fil de l’histoire, on accompagne notre jeune Zabor (né Ismaïl) dans son évolution entre deux domaines. D’un côté, il y a la dimension physique avec un corps malade et chétif, qui est vite abandonné, pour se réfugié dans l’esprit. Puis il y a la force psychologique, entre conscience et inconscience, elle devient l’atout principal du protagoniste pour mener à bien sa mission.

Il faut pourtant l’avouer dès le départ, le texte n’est pas facile. Au début on avance à la machette tellement c’est dense, lourd même, si ce n’est qu’après, la force du flux nous tire vers l’avant. Il puise son énergie motrice de cette idée originale : que le fait de raconter l’histoire de quelqu’un et de l’écrire lui rallonge la vie et éloigne la mort.

Écrire est la seule ruse efficace contre la mort. Les gens ont essayé la prière, les médicaments, la magie, les versets en boucle ou l’immobilité, mais je pense être le seul à avoir trouvé la solution : écrire.

C’est un roman spirituel ou de science-fiction, selon les points de vue. Il est relativement plus accessible à un lecteur maghrébin, par ses symboles et ses paraboles endogènes. Le maraboutisme se mêle au concept de saint et de super-héros, doté d’un pouvoir surnaturel, que notre héros apprend à comprendre, à justifier et à maitriser.

…Fallait-il le sauver ? Je le méprisais. Mais il me posait un cas de conscience. J’avais le choix d’un dieu : écrire ou garder le silence. Le mal existe-t-il ? Je ne crois pas. Il n’est qu’une conséquence. L’effet d’une cause…

Du premier coup d’œil, l’univers du livre n’est pas extraordinaire en soi. Il reprend l’image, déjà usée, du village algérien avec ses routines mondaines, sa poussière, son minaret et ses personnages typiques. Mais au-dessus de ce décor, une dimension nouvelle est ajoutée. Comme éclairé par une lumière nouvelle, crue, intéressante et captivante, le village d’Aboukir (Masra actuellement) est réanimé et raconté avec un regard frais. Même si à des moments, l’image reste terne et peu valorisant pour l’égo Algérien.

Durant la lecture, on a l’impression de séjourner dans le cerveau de l’auteur, Kamel Daoud lui même. Adossé aux neurones, on s’habitue petit à petit à la voix monotone de Zabor, le narrateur du livre. On assiste, en premières loges, à son bras de fer avec les mœurs et les valeurs sociales, à ses allers et retours avec la religion et enfin, à ses rapports tendus avec sa famille et son père. Ce dernier est d’ailleurs présent tout au long de l’histoire.

Mais surtout dans l’ensemble, l’auteur nous invite à partager le processus même de l’acte d’écrire. Cette pratique est racontée, expliquée même, dans ces détails les plus subtils. Le rapport au texte et au livre est mis à nu. Les livres sacrés ou pas, sont décortiqués, lus et relus, écrits et enterrés.

Hommage à la littérature française

Ce roman, est dans un sens un hommage à la langue française, au monde livresque et surtout à la lecture. Dans un temps où nous avons une pléthore de livres à portée de main, sur nos étagères et dans nos librairies, Zabor est toujours à la recherche d’un nouveau livre à lire. L’auteur ici, mêle à la fiction des souvenirs de sa propre enfance :

Oh, je jure que j’ai tout lu dans le village. Le moindre mot… Tout ce qui transportait cette langue et que cette langue m’apportait dans son foisonnement. J’ai même relu jusqu’au vertige les quelques romans que je possédais…

Ceci dit, le texte est truffé de répétitions agaçantes, surtout par les références répétitives aux livres : Les Milles et une Nuit et Robinson Crusoé. Qui restent quand même justifiés par le texte.

Une chose est sûre, on retrouve parsemé dans le texte, les jeux de mots fins et recherchés et des éléments d’autocritique de la société algérienne, signature du chroniqueur, qu’est Kamel Daoud.

A écouter aussi:

Vous pouvez aussi écouter, à ce sujet, la chronique lettre de notre amie Eva Tapiero sur Paris-Alexandrie N°11 , à partir de la minute 47.