Avec Youssef Wyte et Georges Truni pour une virée Street-art

10 dollars en taxi et me voilà à Jal-el-dib, un village au nord de Beyrouth où le magasin Orasway s’est installé. Propriétaire de la boutique représentante de la marque Montana Colors au Moyen-Orient, Oras fait partie des pionniers de la scène graffiti et de street-art au Liban. Avec M3allim ou encore Ashekman, ils ont été un petit cercle à avoir initié un mouvement qui est devenu, presque, global au pays du cèdre.

Une scène bien installée

En flânant dans les rues de Beyrouth de Hamra à Mar Mikhail, jusqu’au quartier Ras Beyrouth, impossible de ne pas remarquer les nombreuses murales bigarrées qui surprennent par l’ingéniosité des formes et des caractères qu’elles affichent. Calligraphiques, fantaisistes ou réalistes, on en trouve pour tous les goûts. Il faut dire que la ville de Beyrouth offre une grande marge de liberté, unique dans la région, qui a permis l’essor de ce genre artistique. Les autorités de la ville sont même allées parfois jusqu’à dédommager l’altération par leurs services de certains dessins, quand elles ont vérifié que leur contenu ne portait pas de virulentes critiques politiques.

YT en pleine action à Beyrouth © Mehdi Drissi

YT en pleine action à Beyrouth © Mehdi Drissi

Après avoir arpenté et pavoisé les rues de leur ville, plusieurs jeunes ont pu développer leur sens des affaires et créer des commerces différents soutenant le développement de la culture street-art. Quand le collectif Ashekman, composé des deux frères jumeaux Kabbani et leurs proches, opte pour la création d’une marque de vêtements urbains, il installe ses locaux au cœur de la capitale, à Hamra. Oras souhaite quant à lui transmettre ses savoirs et installe près de sa boutique de bombes aérosols, un atelier. C’est dans cette salle d’une dizaine de mètres carrés, que la première académie de street-art a vu le jour dans le monde arabe. Des séances didactiques sont mises en place pour accompagner les curieux dans leur apprentissage du tracé de croquis et dans leur maitrise du diffuseur.

Deux fois pas semaine, Youssef Wyte Tellah alias YT, se met dans la peau d’un professeur et interagit avec un groupe de jeunes aux profils variés. Architectes, peintres ou encore des aficionados de l’animation, les participants ont un intérêt déjà confirmé pour le dessin et veulent à présent étendre et varier leurs techniques. Je m’incruste donc à la séance de ce mercredi soir et prend goût à l’exercice, en décidant d’accompagner Youssef pour sa prochaine performance réelle.

Georges Batruni © Mehdi Drissi

Georges Batruni © Mehdi Drissi

Figures montantes du street-art beyrouthin

Après le décès de sa mère, il y a 5 ans, Youssef décide de se dédier à sa passion et balance entre le graphisme et le street-art qu’il avait découvert une année auparavant. Il développe alors ce qui deviendra sa marque de fabrique particulière, le personnage de « Mister YT ». Souriant et énergétique, le caractère omniprésent dans les travaux de Youssef incarne son âme d’enfant. Chaque nouveau mur peint, représente ainsi le petit Youssef, aventureux et entrepreneur, dans un épisode de sa vie. Un scénario se lit en filigrane où l’on peut découvrir Mister YT écoutant de la musique ou encore voyageant à l’espace. Pour aujourd’hui, Mister YT ira à l’école…

Si Youssef a l’habitude de partager le mur avec son « crew », comme il aime désigner en anglais le collectif qu’il constitue avec son frère Ibrahim et son ami d’enfance Ali, il investira le thème de l’éducation avec son ami George Batruni.

YT, à Beyrouth © Mehdi Drissi

YT, à Beyrouth © Mehdi Drissi

Étudiant en architecture, George s’est quant à lui, récemment découvert une passion et un talent pour le street-art et la confection de tatouages. Il a dédié la semaine dernière au repérage du lieu ad-hoc pour la nouvelle fresque. Et nous le rejoignons, là où il a trouvé son bonheur, à la Rue Pharaon dans le quartier de Mar Mikhael. Truni (comme l’indique sa signature), a opté pour une large façade de parking de voitures. La surface à trous multiples n’était pas, au départ, adaptée au travail collaboratif que George et Youssef veulent entamer et nécessite de nombreuses couches de teintures pour tenter de colmater ses multiples brèches. La brasse à la main, nous commençons tous à induire le mur, d’une base homogène avant d’entamer l’illustration qui prendra fin 48h après.

Chacun de son coté, Youssef et Georges, s’éloignent puis s’approchent consécutivement du mur pour mesurer à l’œil les dimensions de leurs formes et commenter mutuellement leur travail. Les gestes sont équilibrés et chaque diffusion du spray est précise.

 

العلم نور☀️😈My new Arabic Graffiti at Marmkhayel Beirut!

Posted by Yousef Wyte Tellayh on Monday, December 7, 2015

 

De temps à autres, des passants s’arrêtent pour observer et encourager les deux amis à poursuivre. Des petits commes des grands, nous entendons des commentaires sur ces « travaux d’embellissements du quartier », comme aiment les décrire certains ou encore des remerciements pour le « punch et la couleur » comme les voient d’autres. En majorité, de belles et positives intentions qui prouvent l’ouverture des beyrouthins aux nouvelles expressions artistiques et qui apportent aux artistes du pays, la confiance nécessaire pour continuer.