Wolf and Sheep : Fable Afghane du Quotidien

Wolf And Sheep - ONORIENT

Pour son premier long métrage de fiction, Shahrbanoo Sadat choisit de prendre le temps de faire découvrir les chemins de l’âme et des montagnes d’Afghanistan.

Rencontrée quelques jours avant la sortie de son film en France, la jeune réalisatrice afghane en parle comme d’un conte.

En Afghanistan, chacun est un grand conteur, chaque personne a des milliers d’histoires à raconter. Les gens inventent des histoires pour expliquer les choses qu’ils ne comprennent pas. Puis, ils finissent par y croire et  ces histoires deviennent enfin la base des règles de la communauté.

Shahrbanoo joue avec ces croyances et s’échappe d’un récit linéaire. C’est ce qui lui vaut le prix Art Cinema Award de la Confédération Internationale des Cinémas d’Art et d’Essai lors de la Quinzaine des Réalisateurs 2016 à Cannes.

Au delà des clichés

Tourné dans les montagnes du Tadjikistan, le film s’ancre dans le réel avec un petit village Afghan  totalement reconstruit pour le film. Impossible d’assurer la sécurité de l’équipe pour un tournage en Afghanistan : ce qui explique ce choix.

Tout se passe dans ce petit village de montagnes autour de quelques familles et de leurs moutons. Ce sont ces histoires et ces personnes que Shahrbanoo souhaitait dépeindre.

La réalisatrice n’est pas satisfaite du regard que le cinéma porte sur l’Afghanistan. Elle regrette que le traitement soit réduit à la guerre, aux violations des droits de l’homme et aux violences faites aux femmes.

Quand je vois ces films cela me met en colère parce que nous n’avons pas de réalisateurs qui corrigent cette idée de l’Afghanistan. Pour l’instant le monde voit seulement ce pays à travers ces clichés.

S’inscrivant dans une démarche tout à fait différente, elle choisit de montrer simplement la vie quotidienne.

« Le point de vue des Afghans est tellement influencé par le point de vue international » dit-elle.  « Nous avons l’impression que personne ne peut s’intéresser à notre histoire. (…) Je vais donner un exemple très simple. En Suisse des réfugiés afghans ont vu le film et m’ont dit « le village ressemble vraiment à ceux que l’on connaît ; les gens aussi, tout semble si réel, mais pourquoi montrer ça ? » Ils n’arrivaient pas à comprendre pourquoi c’était important. Pour moi, leur réflexion a été vraiment douloureuse et en même temps, c’est très intéressant ».

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Histoires d’enfants

Les personnages qui prennent le plus d’ampleur dans ces reliefs sont les enfants. Les histoires fantastiques se transmettent de génération en génération. La question se pose de l’influence du récit des adultes sur la vie de ces jeunes qui « jouent aux grands » et construisent leurs interactions sociales par mimétisme.

Entre ces créatures mythologiques et les adultes, deux enfants s’échappent des groupes. Ensemble, ils tentent de créer leurs propres vies et leurs propres rêves.

« Bien sûr c’est une histoire d’amour »,  raconte la réalisatrice. Une histoire vraiment singulière.

« J’ai vécu dans le village jusqu’à mes 18 ans puis j’ai déménagé à Kaboul » dit-elle.

« Là-bas, j’ai rencontré un homme qui avait vécu dans le même village que moi mais il y a 35 ans. Il m’a donné le journal qu’il tenait à l’époque. Nous avons parlé de nos expériences respectives dans le village et on avait l’impression d’y avoir vécu au même moment.  Nous étions deux outsiders qui devenaient  meilleurs amis ».

Shahrbanoo décide donc de créer un temps fictionnel qui permet à ces deux enfants d’être réunis au même moment dans leur village. Ainsi, elle leur donne l’opportunité de devenir amis. De l’apprentissage de la fronde à la préparation d’un repas, ils apprennent le plaisir de passer du temps ensemble, à parler, ou encore mieux, à se taire.

Les images sont simples autant qu’elles sont magiques. La jeune réalisatrice Afghane réussit, avec beauté, à nous montrer ce qu’elle souhaite : la vie.