Originaire du quartier populaire d’El Kabbaria, Wistar fait partie de cette génération qui a osé dire non. Ce quartier, il y a fait ses débuts, prenant exemple sur ses aînés qui lui ont donné l’envie de jouer avec les mots.
Profondément marqué par une lutte constante, contre l’inertie surtout, et ces phrases qu’il faut manier avec subtilité, pour en faire son arme, le rap de Wistar est teinté de contestation. C’est avec un réalisme et un cynisme troublants que le jeune rappeur tunisien, âgé de 26 ans, nous raconte sa vie là-bas, ses déboires, ses peines et sa rage même, parfois.
Mais ce que l’on retient avant tout, c’est la mélancolie. Il rêve d’un Ailleurs, de changer sa vie.
On nage tous dans le vide à ce qu’il paraît, je dis ce que je pense, je raconte ma vie, j’en peux plus, je veux me casser d’ici.
Un ras-le-bol, un appel au secours de la part de cette jeunesse dont les rêves ont été écrasés, un à un, par le système et par les gouvernements successifs qui ont eu raison de leurs espoirs. Une jeunesse qui souffre de ne pas être appréciée à sa juste valeur. Une jeunesse qui « avance toute seule » faute de soutien.
Au milieu de tout ça, il faut trouver sa place. Wissem Ben Hassine est un artiste, de ceux qui font de « l’art pour l’art », pour sa beauté, pour s’exprimer, car c’est une partie de lui-même. Il ne peut faire autrement.
C’est un rap sans concession, coloré de sincérité et d’une lucidité à la fois brillante et inquiétante, face à une société aux structures fragiles, que le jeune rappeur nous offre.
Au-delà, Wistar est partagé entre ses rêves et son fatalisme. Il doit cette dualité à la réalité sociale de son pays, mais également à sa force et sa sensibilité qu’il met en application directement dans son art. Une complexité personnelle à l’image de celle de la société dans laquelle il vit, dans laquelle il a grandi.
Le jeune homme n’est pas de ceux qui ont la « révolte excessive ». Il dénonce, remet en cause, mais toujours intelligemment, avec maturité, en mesurant pleinement les tenants et les aboutissants d’une restructuration profonde des rouages et mécaniques sociaux.
Sa maturité l’a d’ailleurs poussé plusieurs fois à mettre la musique en « Pause », pour se consacrer à ses études et à son emploi.
Wissem garde en tête ses valeurs, il ne les oublie pas quand il rappe, il ne les oublie pas quand il agit. Rien n’est contrefait.
Artiste sensible, poète de la rue d’une part mais aussi artiste révolté d’autre part, son rap a quelque chose de baudelairien, un spleen malgré tout optimiste et rêveur. Antinomique donc, mais pleinement lui. Complexe mais réel.
Découvrir Wistar, c’est rentrer dans un univers de poupées russes, où un questionnement en entraîne un autre, traduisant l’état de pensée et de surconscience de ce jeune artiste tunisien. Un rap conscient dont la poésie surprend, dont la poésie touche profondément.
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