Amin Maalouf, dans Les identités meutrières, disait que « Chaque personne, sans exception aucune, est dotée d’une identité composite ; il lui suffirait de se poser quelques questions pour débusquer des fractures oubliées, des ramifications insoupçonnées, et pour se découvrir complexe, unique, irremplaçable. » C’est ainsi que sa quête s’amorça, entre l’exil forcé et l’ambivalence d’une identité.
Samira Abbassy, artiste née arabo-iranienne et ayant vécu au Royaume-Uni depuis sa plus tendre enfance, s’est longtemps consacrée à la conciliation d’une culture dominante occidentale et d’une culture orientale méconnue, et pourtant si intimement familière. À la croisée de ces univers antithétiques, elle sentit le besoin d’interroger l’origine de son Moi à la fois fragmenté et haut en couleurs et ce, avant tout, en tant que femme.
La magie de ses autoportraits ne dessine pas sa propre personne mais ébauche le millionième de dissemblable* dans la grande expérience humaine qu’elle soit physique, émotionnelle ou morale. À l’image de l’illustre Frida Kahlo, qui a su interpréter à travers l’illustration de sa propre souffrance celle de l’Homme dans son absolu, Samira Abbassy s’attelle à la même prouesse dans une fantastique tentative picturale où il est question d’apprendre à assimiler et s’assimiler à sa culture-mère, une affaire qui reste, aujourd’hui, unanimement universelle.
Comme l’a explicitement avancé l’artiste, ses toiles représentent son miroir identitaire et s’inscrivent dans un immatérialisme où l’esprit et l’essence l’emportent sur la chair et la matière. Ce qu’elle permet d’en véhiculer c’est l’importance de la quête tout autant que la finalité, mais aussi l’identification de sa personne à une seule et unique identité, certes, mais une identité hétéroclite et inimitable qui se construit continuellement à travers le temps.
Entre dessins démentiels et coups de pinceau naïfs, elle dépeint des autoportraits audacieux où le mythe prend forme et submerge l’inertie de la matérialité charnelle. Dans la poursuite de sa propre vérité, elle a choisi de dépasser l’orée persane pour s’approprier la culture et la mythologie orientales dans toute leur immensité et leur richesse, allant des traditions indiennes et tibétaines aux cultes hindous, bouddhistes et monothéistes, estimant que le sacré est une des grandes portes qui s’ouvrent sur la quintessence même de l’esprit humain.
À travers bon nombre de ses œuvres, on retrouve une surréalisme effréné ; entre une tête décapitée et des portraits déstabilisants de corps siamois, on ne peut que ressentir le malaise d’une dualité culturelle subie dans une grande appréhension qui atteste de l’angoisse d’une incertitude foncièrement humaine.
Tout comme Frida, son œuvre est son histoire, et dans ses toiles et ses dessins, elle ne se laisse pas parasiter par le souci des proportions et le spectre de la perspective, elle met au contraire en aplat toute sa personne et son émoi, en toute candeur et sans réserve.
Pour ceux dont l’amour inconditionnel entoure l’œuvre de Frida Kahlo, découvrez sans plus hésiter l’intégralité du magnum opus arabo-persan de la grande Samira Abbassy.
* Expression empruntée à l’écrivain Milan KUNDERA dans son roman « l’insoutenable légèreté de l’être »