« Tracés nomades » ou la lettre qui voyage

Après « Al Halqa – Les Trésors Humains de Jemâa El Fna » de Thomas Ladenburger, la fondation Dar Bellarj a choisi de célébrer la thématique de la lettre avec l’exposition « Tracés nomades-Voyages à travers les écritures » en cours jusqu’au 16 septembre 2017.

« Nous sommes passés de l’oral à l’écrit », nous explique Maha Elmadi la directrice de la fondation Dar Bellarj. Elle poursuit :« Nous sommes passés du patrimoine oral au patrimoine écrit. De l’oralité à la transcription. »  Tracés nomades reflète justement la beauté et l’esthétique de la lettre dans sa transcription sur différents matériaux comme la céramique, le tissu et même sur les bijoux, et ce, à travers les trois typographies omniprésentes au Maroc  le tifinagh, l’arabe et le latin.

Au commissariat de l’exposition Tracés nomades, il y a Huda Smitshuijzen AbiFarès de la Khatt Foundation. Cette exposition ne pouvait voir le jour sans la collaboration des étudiants en master design graphique de l’Ecole Supérieure des Arts Visuels (ESAV) à Marrakech, mais aussi sans la contribution de cinq artistes  : l’artiste céramiste Zineb Triki, l’artiste graphiste Brahim Boucheikha, le styliste Amine Bendriouich, la designer et créatrice de bijoux Margherita Abi-Hanna et l’artiste plasticien Laurent Mareschal.

A chacun sa petite contribution créative dans cette exposition collective. Dans le cadre du projet Typographic Matchmaking in the Maghrib initié par the Khatt Foundation à Amsterdam, des designers arabes et espagnols ont créé de nouvelles typographies numériques comme la typographie Tubqal, inspirée du nom du plus haut sommet au Maroc.

L’artiste Zineb Triki a, quant à elle retranscrit des versets coraniques sur la céramique pour faire un petit rappel au zellige et créé  un nuage céramique suspendu au toit. C’est une installation appelée « Migration/Immigration » avec un nid qui reflète le voyage des oiseaux migrateurs et en l’occurrence la cigogne (Bellarj en arabe). Il est à noter que la fondation Dar Bellarj est appelée ainsi, car dans le passé cet espace abritait  un fondouk(hôpital) pour les cigognes.

Oeuvre de Zineb Triki

D’autre part, Brahim Boucheikha a développé un projet autour des  saveurs des lettres en créant des lettres mangeables le soir du vernissage de cette exposition. Il a également présenté une installation murale avec des lettres dessinées sur des assiettes en céramique dans le salon de thé de la fondation. Les gâteaux ont été préparés par les femmes de la médina inscrites aux ateliers de la fondation Dar Bellarj – appelées « les mamans douées » au sein de la fondation – en collaboration avec les femmes de l’association Amal pour les Arts culinaires en faveur des femmes nécessiteuses.

Oeuvre de Brahim Boucheikha

La femme est également présente dans la création du styliste Amine Bendriouich mais d’une autre manière. Cet artiste a créé des tissus brodés aux versets « Nour » (lumière) en les exposant sur une femme mannequin entourée de deux garde-corps hommes. Quant à la designer Margherita Abi-Hanna, elle a créé des bijoux en lettres tifinaghes avec le soutien des artisans locaux. Ces lettres qui inspirent et qui étonnent par leurs formes.

Oeuvre de Amine Bendriouich

Pour Laurent Mareschal, c’est un texte poétique traduit dans les trois langues : arabe, français et tifinagh qu’il a choisi d’exposer d’une manière interactive. Il s’agit d’une projection dans le sous-sol de la fondation sur un tapis noir sur lequel  le public doit marcher pour que les lettres apparaissent, disparaissent et réapparaissent.

Oeuvre de Laurent Mareschal

Il est à rappeler que l’exposition thématique Tracés nomades a été ponctuée par plusieurs événements tout au long de sa durée. En parallèle, la fondation organise en permanence des workshops pour les enfants de la médina et leurs mères. Il existe justement entre autres ateliers intéressants en faveur des enfants, un atelier consacré à la calligraphie arabe et qui est animé par le directeur artistique de la fondation, le calligraphe professionnel et homme de théâtre Aziz Bouyabrine. Pour les mères qui sont pour la plupart des femmes au foyer, la fondation va au delà des activités classiques liées à la femme comme la broderie et la cuisine et leur propose des ateliers créatifs : un atelier de théâtre et un atelier de photographie qui leur apprend à développer leur regard envers leur ville et leur sens critique envers l’art en général.