Notre dernier jour à Amman sera couronné d’une belle expérience. Alors que nous nous préparons psychologiquement à mettre fin au long périple qui nous a mené à six pays, nous avons un dernier rendez-vous à honorer. En traversant la grande avenue du centre ville de Amman, notre chemin nous porte à une grande maison sur laquelle flotte une pancarte annonçant “The Studio”.
A l’intérieur, nous sommes accueillis au premier étage par deux femmes pleines d’énergie qui s’affairaient à la préparation d’un concert avant notre venue. Elles nous invitent justement à les suivre dans la salle de concert, où le groupe Semazen se produira quelques heures plus tard, exhalant des ondes positives par sa musique polyglotte et hippie.
Un espace alternatif pour accompagner la nouvelle generation
Crée en 2010 à l’initiative de quatre jeunes filles fraîchement diplômées d’art, The studio se définit comme un espace d’art alternatif ouvert à tous. Ce que Sarah Hatahet, Ghalia Barghouthi, Sarah Rachadane et Mouna Amrine avaient à l’esprit en reprenant cette belle bâtisse au centre de Amman, c’était de proposer un espace d’exposition et de formation qui sorte un peu des sentiers battus académiques et diffuse l’esprit jeune et décomplexé porté par la nouvelle génération.
L’idée est qu’à travers ces formations, The Studio puisse accompagner les jeunes artistes par de l’enseignement technique qui pourraient ensuite leur permettre de réaliser des expositions dans l’espace. C’est donc une première à Amman, où les galleries sont souvent reservées aux artistes confirmés.
“C’est un cercle vicieux. Les galeries de Amman sont très exigeantes quant à leurs expositions alors qu’il faut bien commencer quelque part.”, nous glisse Ghalia, avant d’évoquer le mouvement impulsé par “The Studio” qui a ensuite été repris par des galeries plus institutionnelles (comme Daret El Funun avec son “Lab”).
Après l’avoir acquis en 2009 et rénové pendant un an, The Studio ouvre ses portes par une exposition collective des quatre jeunes filles. Le charme opère. Les gens affluent, l’espace doté d’une presse et d’un programme d’ateliers artistique est lancé. Malgré sa grande superficie, The Studio est presque trop petit pour la vague de gens qui le fréquente à ses débuts. C’est presque comme si toute la population de la ville cherchait un exutoire, un endroit pour se retrouver et discuter.
“Il arrivait qu’on ait la confirmation de cinquante personnes pour un événement puis qu’on se retrouve avec cinq cent personnes”, lance Sarah en mimant l’affluence avec ses mains.
The studio is offering one on one experimental drawing and experimental printmaking workshops. If you are interested in…
Posted by The Studio on Tuesday, October 6, 2015
The NEW Studio
Cette fougue artistique s’essouffle cependant avec les années. Les entrées payantes ne suffisent pas toujours à couvrir les frais de gestion de l’espace. L’équipe nous confie justement réfléchir actuellement à une nouvelle programmation pour février, afin de relancer la dynamique de l’espace en s’adaptant à la phase de creux qui traverse actuellement tout le pays; sans doute à cause des risques géopolitiques et des difficultés économiques qui planent sur la région.
« Les gens utilisent leur argent pour d’autres priorités car les prix ont augmenté. » ajoute Ghalia.
Mais Ghalia et Sarah ne se découragent pas. L’entourage proche du lieu, initialement méfiant, encourage maintenant les jeunes filles dans leur dynamisation du centre-ville. Chaque mois, elles continuent d’annoncer leurs workshops qui proposent de la presse, du dessin, de la peinture, de la calligraphie, de la céramique et des illustrations digitales. L’espace s’ouvre aussi ponctuellement aux concerts et aux installations vidéo, comme avec le concert de Semazen auquel nous assistons ce soir-là. Pour attirer les plus jeunes, les deux filles ont récemment mis en place le programme « The Studio Kids » qui propose des activités d’éveil artistique aux plus jeunes.
Ces activités destinées aux enfants ont actuellement plus de succès que le studio en lui-même. C’est presque comme si les parents n’avaient plus foi en leur propre éducation artistique et qu’ils préféraient transférer leur espoir sur les plus jeunes. Quoiqu’il en soit, The Studio a impulsé un vrai mouvement auprès de la nouvelle génération jordanienne et à voir l’affluence au concert de Semazen ce soir-là, et à écouter leur musique rythmée par de francs éclats de rire, on ne peut qu’espérer revoir Sarah et Ghalia revenir en puissance en février.
Something warm in this cold. Book you spot now :)
Posted by The studio kids on Wednesday, December 16, 2015