Souriya. Raconter la Syrie sur les planches

Crédit : Mawuko Amegavi

Dans la pénombre de la petite salle du Proscenium où est représentée Souriya à Paris, Zoé Besmond de Seneville déclame une date : le 22 mars 2012.

C’est la date à laquelle débute ce monologue, dans un décor dépouillé et réduit à l’essentiel, au cours duquel on assiste à la correspondance entre une jeune professeure de français franco-syrienne et son père, resté en France.

L’histoire racontée par Souriya est d’abord celle de sa metteur en scène, Maria Oudaïmah. Après son retour de Syrie où elle avait résidé de 2009 à 2013, avant que n’éclate la guerre, elle entreprend l’écriture de la pièce, où le sort de la Syrie prend un sort important, et revient, en toile de fond, tout au long de la pièce.

Crédit : Mawuko Amegavi

Crédit : Mawuko Amegavi

C’est d’ailleurs par une présentation de l’organisation humanitaire Chams collectif Syrie que sont accueillis les spectateurs. A la fin du spectacle est organisée une vente destinée à financer les projets que celle-ci soutient en Syrie.

Sans être militante, Souriya est une œuvre clairement engagée. Elle recentre le conflit sur l’humain et les souffrances de la guerre sur des scènes du quotidien qui rappellent les traumatismes vécus chaque jour par les populations prises au piège des conflits armés.

Peut-on essayer de vivre normalement dans la guerre ?

La performance de Zoé Besmond de Senneville est à la hauteur d’un texte à l’écriture sans faille, efficace, beau, souvent poétique, évocateur, et où transparaît l’expérience de Maria Oudaïmah en Syrie, où la présence du vécu et palpable. L’énergie de l’actrice, son rire nerveux, sa gestuelle méthodique immergent le spectateur dans une atmosphère tendue, parfois drôle.

Le genre épistolaire se prête particulièrement bien à ces ambiances changeantes, en permettant d’aborder sous tous les angles cette question de la place de l’être humain au centre d’une guerre qui le dépasse. Le mariage, la famille, la religion, le régime, la guerre, aucune approche n’est épargnée, et certains moments peuvent être particulièrement difficiles. Le bombardement a proximité de l’école, la violence conjugale que subit le personnage et qu’elle raconte dans ses lettres en sont des exemples particulièrement forts.

Crédit : Mawuko Amegavi

Crédit : Mawuko Amegavi

Mais, même en Syrie, peut être surtout en Syrie, le besoin de normalité se fait ressentir, et c’est là la force de la mise en scène. Elle laisse met au premier plan la présence, inévitable, de la guerre, mais dans laquelle sont noyés des instants du quotidien ; un après-midi au souk, la visite d’un cousin, le départ pour un week-end à la campagne.

La figure du père dans la recherche de soi

L’autre fil conducteur de la pièce, c’est le lien qu’entretient le personnage avec son père. Bien sûr, il est le prétexte au texte, c’est à lui que son adressées les lettres. Mais il est également le modèle, la figure qui traverse le temps et l’espace et est toujours présent auprès de sa fille. Là aussi, c’est le vécu de Maria Oudaïmah qui prime : son père, présent à la représentation, homme de lettres, est un opposant au régime syrien, exilé de longue date en France. Omniprésent, figure morale en exil, le père est aussi le lien qui pousse le personnage, et, on l’a compris, Maria Oudaïmah, à retourner en Syrie.

Souriya nous rappelle, comme s’il en était besoin, que la guerre, par delà le traitement médiatique, le nombre de morts et de blessés, entraîne des hommes et des femmes dans sa destruction. Et que derrière ces hommes et ces femmes, se dévoilent des histoires, des trajectoires, brisées par l’irruption du chaos dans leur vie.  Que la Syrie, ce n’est pas seulement Bachar contre Daesh, c’est l’histoire de millions de civils bombardés, déplacés, réfugiés, qui ne demandent qu’à reprendre une vie conservant un semblant de normalité.

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