Salaam al-Quds, shalom Yerushaláyim

Al-Masjid al-Aqsa à Jerusalem. Crédit : Mohammad Usaid Abbasi sur Flickr

C’est accompagnée d’une caméra dirigée par Dylan Zarrella que je me suis engouffrée dans les rues de Jérusalem. Une ville qui vous met une douce gifle à sa rencontre.

Entre trésor de l’humanité et tristesse du monde, cette ville dispose d’une haute valeur symbolique. Divisée en quatre quartiers (arménien, chrétien, musulman puis juif), les lieux de culte y sont fortement concentrés. Forts d’une présence antérieure à celle des chrétiens, 2000 Arméniens ont creusé leur place et se protègent contre la cohorte touristique. Autour du Saint-Sépulcre, les habitants chrétiens désertent et les musulmans prennent leur place. Toutefois, la ferveur des croyants entrant dans un quasi-état de transe là où Jésus aurait été crucifié est omniprésente. Les prières de croyants d’origines diverses s’entremêlent et les vagues de pèlerins ne cessent d’affluer. Et pourtant, la saison haute n’est pas encore arrivée. Au sud-est, le Mur des lamentations est le grand symbole du quartier juif, car il s’agit du principal lieu saint du judaïsme. La ferveur y est tout aussi intense. Enfin, Al-Aqsa et le Dôme du rocher surplombent le quartier musulman. Ce dernier est devenu indéniablement mon repère au sein de la vieille ville. Détaché de tout lien culturel, son architecture m’a fascinée. La lassitude ne parvient pas à m’emporter et mes balades tournent à la quête des divers angles de vue de ce monument islamique. Construit par le calife omeyyade Abd al-Malik en 691, son dôme recouvert d’un alliage d’or est visible partout dans la ville. Ses céramiques polychromes, où le bleu domine, porte honneur au voyage nocturne du prophète Mohammed.

Le Mur des lamentations à Jérusalem. Crédit : Alex de Carvalho sur Flickr

Le Mur des lamentations à Jérusalem. Crédit : Alex de Carvalho sur Flickr

Chaque rue débouche sur une église, une synagogue, une mosquée, sur l’Histoire. Néanmoins, une conclusion s’impose : à l’intérieur des remparts, la vieille ville est une véritable médina du monde arabe. La Terre sainte inspire et expire l’Orient. Abstraction faite de la guerre des drapeaux, où la distinction Est-Ouest est effacée, les pierres de la ville vous rappellent que vous êtes bel et bien au Moyen-Orient. Le humus y est roi et le narguilé, un plaisir. L’air du désert vous emporte dans sa chaleur étouffante. Mon teint basané et ma chevelure finissent par trahir mon origine. Ici, les gens vous scrutent comme s’ils sentaient la nécessité de vous catégoriser.

L’ambiance y est cristallisée par les tensions. La guerre n’y est pas toujours perceptible mais elle n’est jamais éloignée. Capitale cultuelle, la proximité des lieux saints attisent cette tension permanente. Les optimistes parleront de cohabitation, les réalistes percevront le vice de l’ignorance de l’autre. Les kippas et les keffiehs déambulent dans les rues de la vieille ville. L’un est l’ombre de l’autre pendant que les militaires gambadent d’un quartier à l’autre. La promenade des remparts rappelle que le panorama splendide offert par l’hospice autrichien n’est en rien révélateur. La pauvreté et l’insalubrité de l’est font face à la propreté et la modernité de l’ouest.

Sur son toit, au Mont des oliviers, je réalise que Jérusalem est une expérience unique. Elle vous renvoie la malédiction du quotidien qui habitue vos yeux aux camps de réfugiés, aux check-points, aux colonies sauvages ou légales, ces choses nauséabondes. Pour la première fois, j’ai senti le besoin de vivre un voyage comme un joyau ambigu que je ne voudrais garder que pour moi. Al-Quds est à raconter avec le cœur. Yerushaláyim suspend l’espace-temps. Pourtant, Jérusalem, la belle, m’a révélé la perdition de l’Homme en marchant sur les pas de l’Histoire.

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Sur un toit de la Vieille Ville
Une lessive dans l’ultime lumière du jour :
Le drap blanc d’une ennemie
La serviette avec laquelle mon ennemi
Essuie la sueur de son front.
Dans le ciel de la Vieille Ville
Un cerf-volant.
Et au bout du fil,
Un enfant
Que je ne peux voir à cause du mur.
Nous avons hissé beaucoup de drapeaux,
Ils ont hissé beaucoup de drapeaux.
Pour nous faire croire qu’ils sont heureux.
Pour leur faire croire que nous sommes heureux.

Yehuda Amichaï

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