Après une première expérience dans la capitale libanaise, nous avons quelques jours de pause pour étancher notre soif de nouveaux horizons.
Toutes les personnes que nous avons rencontrées sur notre route nous ont en effet exhortés à sortir de la capitale pour découvrir tous les visages du Liban. Beyrouth est une ville moderne et encombrée aux heures de pointe, où les paysages naturels se font rares et les façades modernes naissent des restes de bâtisses historiques.
Nous nous échappons donc une journée dans les hauteurs de Byblos (qu’on appelle aussi « Jbeil », montagnes en arabe) en voiture. Notre escapade à l’extérieur de Beyrouth nous fait découvrir les villages libanais et nous sommes surpris de les trouver si propres et organisés. Tous dotés d’une école, d’une pharmacie et de commerces qui vendent les produits de première nécessité; les villages libanais sont loin du dénuement des villages marocains. Le Liban est d’ailleurs le pays avec les meilleures performances économiques qu’on ait visité jusqu’ici, ce qui nous fait relativiser notre constat architectural et notre appréhension de la modernité libanaise dans nos récits précédents.
Après quarante minutes de trajet et quelques coups de klaxons, nous arrivons sur une large place où le sapin de noël annuel se dresse au milieu d’une crèche. Chaque année, la ville se dote en effet d’une sculpture qui vient orner la place centrale de la ville et rassemble les habitants pour les fêtes.
Au Liban, noël est une vraie institution, malgré l’absence de statistiques officielles, on estime la proportion de chrétiens au Liban autour de 43% – ce qui en fait la plus grande communauté chrétienne de la région en pourcentage – la célébration prend des proportions impressionnantes dès la fin de novembre. En discutant avec les habitants, nous apprenons cependant que la fête de noël dépasse aujourd’hui le cadre de la célébration religieuse et que les libanais la célèbrent quelque soit leur appartenance religieuse.
Après un tour de la sculpture dorée, nous nous engouffrons à l’intérieur des murailles d’époque médiévale qui entourent la cité historique de Byblos. Nous accédons ainsi à l’intérieur en passant par un petit souk d’artisanat local qui nous mène vers une église construite par les Génois, une petite mosquée, un château croisé, le site antique puis le port.
Une fois arrivés tout en bas, se dresse devant nous une large baie sur laquelle se couche le soleil orangé. Nos yeux entrouverts qui apprécient silencieusement le théâtre naturel de la fin de journée s’écarquillent brusquement et se tournent vers les militaires à notre droite. Un coup de feu a surgi de nulle part, sans blesser personne, fort heureusement. Les trois militaires s’échangent des regards accusateurs, sans qu’aucun ne daigne avouer l’erreur; d’un hochement de tête, ils s’excusent évasivement et retournent à leur tanière.
Nous retournons alors à notre contemplation comme si de rien n’était. Nous parcourons le chemin jusqu’au bout de la jetée, prenons un bain de soleil puis nous attablons à « Chez Pepe » un restaurant musée qui donne sur la baie et sert du poisson frais et des mezzés.
Ivres de soleil et silencieux, nous savourons cette journée sur la mode de la délectation solennelle. Elle se conclura par un petit tour à la tombée de la nuit, au moment où les lumières de noël s’allument et les chants retentissent dans le centre ville de Byblos. Fredonner des chants de noël en arabe est une drôle d’expérience pour quelqu’un qui vient du Maghreb. Dans nos pays où l’islam est la religion officielle, la fête de noël est associée à une culture d’influence française et coloniale qui est surtout investie à des fins commerciales par les pâtisseries se mettant aux bûches et aux gâteaux crémeux vers la mi décembre.
Noël est donc chez nous une fête occidentale dont certains voient même la célébration comme incarnation d’un néocolonialisme culturel. Ici, de telles considérations paraissent bien trop disproportionnées, c’est simplement une fête où les familles se regroupent et passent d’agréables moments ensemble. C’est sur cette note musicale que reprenons ensuite la voiture en direction de Batroune, où nous savourons une boisson chaude à l’abri du froid, avant de rejoindre Beyrouth.