02:00 Achrafieh – Beyrouth
Place Sassine, un drapeau rouge et blanc virevolte au-dessus de nos têtes. Un cèdre vert imposant y siège majestueusement et guide notre marche au quotidien vers ce centre névralgique du quartier d’Achrafieh, à l’est de Beyrouth. Nous nous sommes accoutumés à donner rendez-vous ici, juste devant le cordon-bleu, Douayhe, reconnu pour sa Knaféh fondante (pâtisserie locale d’origine palestinienne au fromage blanc).
Dès que les dernières lumières naturelles nous quittent, le quartier prend des allures différentes. Des guirlandes multicolores illuminent ces ruelles, qui ne désemplissent plus en cette période de fête. Une large proportion de la diaspora libanaise rentre au bercail pour passer Noël en famille.
Le pays du cèdre est un pays de diaspora, et ça ne date pas d’hier. Dès la fin du 19ème siècle, de nombreux mouvements d’immigration se sont succédés. Ce phénomène a été renforcé durant la période de la guerre civile (1975-1990) et a fait du Liban un pays qui compte plus de ressortissants en dehors de son territoire que de résidents permanents.
Où qu’ils soient, les libanais développent un fort attachement à leur pays. Un sentiment souvent ambivalent, entre la fierté, la lassitude et la révolte. Ce qui n’est pas sans poser problème pour un pays qui repose sur un équilibre fragile.
Coquette, Beyrouth prend son temps avant d’enjôler gracieusement ses visiteurs. Sa parure d’hiver diffère ; des crèches et des sapins parsèment les carrefours et des installations en néon sous forme de luges et de Père Noël scintillent vivement. Les décorations lumineuses entraînent une impression visuelle de papillotement. On se frotte les mains et l’on souffle à l’intérieur des paumes pour se réchauffer. Beaucoup de passants se pressent vers le centre commercial ABC voisin. Ils en ressortent les mains chargées de paquets. L’esprit de Noël est là, une ambiance apaisante.
En quête de tiédeur, nous remontons le haut du boulevard en direction de Gemmayze, cœur battant des nuits beyrouthines. De petits bars accueillent une jeunesse effervescente, dont le sourire ne se fane jamais.
Ils débuteront leur soirée ici et la finiront un peu plus loin à Mar Mikhail. Une rue branchée, qui a cédé son nom au quartier qui, le soir venu, se métamorphose en géante salle de fête pour contenir l’insomnie joviale, l’énergie fougueuse des bons vivants qui y affluent. Peu importe la brume menaçante qui peut voguer au-dessus des têtes et les chocs géopolitiques qui secouent la région, la jeunesse libanaise reste fidèle à son hédonisme. Ici, on s’accroche à une fureur de vivre et une insouciance assumée face à tous les tourments.
De pubs en bars, les « Hayate », « Habibti » ponctuent toutes les discussions. Inutile de retenir le nom de ces espaces de rencontres, la chaleur de leur accueil pourra être retrouvée ailleurs. Ici, on ne s’attache pas aux lieux, qui souvent déménagent, mais aux gens et à leur conversation.
Avant de retrouver les bras de Morphée, nous nous offrons une dernière balade en voiture. On s’arrêtera à Raouché, pour apprécier le calme de la corniche, si plébiscitée en journée. Un rocher qui émerge d’une mer sur laquelle flottent les reflets d’un ciel étoilé.
Les vagues s’écrasent sur les rochers et un feu d’artifice de petites gouttes perlées vient revivifier nos visages à moitié endormis.