14 septembre 2015
00h53 – Tanger Kasbah
Encore une journée qui s’achève et une veillée nocturne pour mettre noir sur blanc nos ressentis. Pour moi, l’exercice à un autre goût que les souvenirs de vacances ravivés d’Oumayma ou la découverte du Maroc pour la première fois que vit Mehdi, notre explorateur Franco-Algérien. Tanger c’est la ville de mon enfance, la ville de ma famille, la ville à laquelle je suis viscéralement attachée par un lien indescriptible ; sans y avoir pourtant jamais vraiment vécu.
Le dialecte chantant, les pentes infinies, les vues imprenables à chaque coin de rue, magnifiées par la simple perspective d’ensemble sur la ville : Tanger fait partie de ces villes qui ne laissent pas indifférent. Ce Lundi, c’est au café Hafa que nous avons rendez vous. Partis de la kasbah, dans laquelle avons déjeuné puis erré en visitant musées et cafés ; notre chemin sinueux vers le café sera ponctué d’arrêts, de discussions et de rencontres fortuites.
En arrivant à Bab el Assa, une des treize portes de l’ancienne médina (Kasbah), nous faisons la rencontre de Hussein, un artiste qui tient un atelier juste à côté de la porte et qui s’y trouvait installé avec ses pinceaux au moment ou nous arrivons sur place. Bienveillant et heureux de partager avec nous ses créations, il se précipite dans l’atelier voisin et revient avec 3 tableaux qui représentent chacun les portes de la Kasbah. Les couleurs chatoyantes des mosaïques renvoyant à celles de son nuancier; c’est un tableau vivant qui se meut devant nos yeux avides de découvertes et de discussions.
Perdus dans le dédale des ruelles de l’ancienne ville, nous demandons ensuite notre chemin à l’un des garçons qui joue dans le coin et qui nous racontera ses journées à l’école de la Kasbah tout au long du parcours, non sans humour.
Enfin arrivés au mythique Café Hafa. Niché en haut de la colline avec une vue dégagée sur la mer, ce café doté d’un charme infini a gardé une authenticité qui attire aussi bien les joueurs de parchi tangérois (jeu de petits chevaux d’origine espagnole), que les touristes bien informés. Il se métamorphose au gré des heures et des clients mais son thé à la menthe siroté en face de l’infini bleuté, entre ciel et mer, a un goût d’évasion à toute heure. Construit en 1921, ce café aura accueilli des noms aussi connus que : les Beatles, Jean Genet, Randy Weston, Paul Bowles, Tahar Ben Jelloun, Jilali Ferhati ou Mohamed Choukri. Ce jour là nous avons l’opportunité de voir l’horizon se vêtir de rose et d’orange à la tombée du soleil, en compagnie de Hanane Orizi Ben Ali, présidente de l’association Art Volontariat interculturel, du Tanger club Photo et organisatrice du Tanjazoom.
Avec un enthousiasme communicatif, cette jeune femme qui multiplie les projets pour la démocratisation de l’art, à Tanger, au Maroc et ailleurs, nous parle de son objectif. En initiant les jeunes des quartiers défavorisés et les femmes anaphabètes au cinéma et à la photographie, c’est cette « culture de la culture » que Hanane aimerait développer, tout en forgeant un nouveau regard sur les métiers des industries culturelles pour les nouvelles générations. Elle nous explique que souvent, le désintérêt pour celles-ci s’explique par une auto censure de populations qui voient l’art comme inaccessible à leur classe sociale.
Son dernier projet en date, qu’elle organise dans le cadre de l’association espagnole Casa Del Infants, a eu lieu juste avant notre arrivée à Tanger, du 10 au 12 septembre et s’intitule Tanjazoom. Il s’agit du premier festival de courts métrages social organisé à Tanger par des associations de jeunes. Il est avant tout un évènement annuel, éducatif et culturel permettant à des jeunes de quartiers périurbains et à des associations de mettre en valeur leur travail et leur réalité.
Après un projet en Algérie, en Tunisie et d’autres en Europe, Hanane fonde beaucoup d’espoir quant à la capacité des nouvelles générations à créer, échanger et s’emparer des sujets qui hantent les populations pour les sublimer et les partager.
H.C