[RIHLA 2.0 : RÉCIT CROISÉ] – JORDANIE – JOUR 31

Nous arrivons à Amman sans trop savoir à quoi nous attendre. Et en un très court laps de temps, les pentes de la capitale hachémite et nos hôtes attachants nous ont littéralement coupé le souffle.

Nous commençons à ressentir le changement de température et à retrouver le souvenir de la sensation du froid. Ces mois d’itinérance ne sont finalement plus évidents. Nos pérégrinations incessantes, conjuguées au changement de saison finissent par nous plonger  dans un état de léthargie momentané qui altère le flux de nos publications.

Amman © Mehdi Drissi

Amman © Mehdi Drissi

Parfois, tout cela est pesant. À peine, lions-nous des amitiés et prenons-nous nos repères dans les villes, qu’il faut sortir et agiter les mouchoirs des adieux. Je crains que ces secousses émotionnelles accumulées, une fois de retour à Paris, ravivent chez moi cette forme de nostalgie chronique, bel et bien enracinée dans la région. Je me vois déjà, ignorer la foule de ma ligne 4, les oreilles et l’âme emportées par la voix chavirante de toutes ces divas d’antan. Ces belles brunes voluptueuses au timbre particulier et dont les refrains traversent le temps pour continuer de voguer sous les six cieux et sur les six terres parcourues jusqu’ici.

Amman © Mehdi Drissi

Amman © Mehdi Drissi

À Amman, nous débarquons un peu par hasard après avoir revu notre itinéraire. Nous souhaitions pallier l’annulation de notre virée khaliji et comme nous avions déjà rencontré Rand à Tunis et que nous connaissions la scène rock locale, la Jordanie nous semblait être un excellent choix. En deux semaines, nous avons réussi à trouver une personne qui veuille bien nous accueillir via le site de logement participatif « couch-surfing ».

James, qui a gentiment accepté de nous recevoir à quelques jours de son retour aux États-Unis, travaillait avec des Syriens dans une ONG et son arabe, après trois années de résidence et des études de la langue, est irréprochable. On habite à Jabal webdeh, à quelques pas de la place Paris. Une parfaite localisation, mais les montées et les descentes qui se succèdent altèrent ma marche. Les collines et les escaliers n’en finissent pas ici et découvrir Amman à pied, revient à dévaler des montagnes russes.

Dernier selfie avec James © Mehdi Drissi

Dernier selfie avec James © Mehdi Drissi

Les cafés et espaces culturels pullulent dans le quartier. Chaque jour, pour nous rendre au centre-ville, nous passons devant Darat Al-Funun – maison des arts – gérée par la Fondation Khalid Shoman. D’une superficie incroyable, cet espace dédié à la promotion de l’art contemporain arabe se divise en une immense galerie, de nombreux bureaux de la direction et un centre de recherche. Le tout est érigé par la famille et les proches de feu Khaled Shoman, en la mémoire de ce riche banquier palestinien.

Nous sommes ainsi dans la partie Ouest, bien lotie, d’Amman. Un mur invisible sépare ainsi la ville en deux. Et parallèlement à la partie nantie, un autre Amman, où la réalité est plus morose, existe. C’est celui des camps et des réfugiés rescapés des différents pays limitrophes. Les deux parcelles se font face et sont les deux faces d’une région qui pleure son déchirement interne. Ici, plus qu’ailleurs, la proximité avec les territoires saints et les origines de presque 80%* de la population posent frontalement la question palestinienne comme enjeu identitaire.

Amman © Mehdi Drissi

Amman © Mehdi Drissi

Au centre-ville, les magasins d’habits traditionnels se juxtaposent et offrent aux yeux une délicieuse balade qui s’étend jusqu’au théâtre antique. De magnifiques broderies bigarrées se déclinent sur différents supports. Le rouge et le noir sont ainsi les couleurs prédominantes qui ressortent sur les tuniques et font la renommée de ses splendides keffiehs suspendus.

Arrivée à la place hachémite, le théâtre romain et l’odéon pittoresque qui le jouxte m’invitent à rejoindre leurs cours intérieures. Une brève visite improvisée dans le musée jordanien des traditions populaires s’impose pour découvrir une collection d’ustensiles, de tenus et de bijoux locaux. Ambre, argent, perles, bronze… les matériaux qui ornent ces imposantes parures me sont assez familiers. Bien que la conception soit différente, ces bagues et fibules auraient su se poser sur le corps d’une Berbère du Maghreb et inspirer une étrange familiarité.

Depuis, le coeur du théâtre, j’aperçois en haut de la colline d’en face, les murs de l’ancienne citadelle. Le chargé de la sécurité m’indique qu’elle abrite « le temple d’Hercule » et que le monument vaut le détour pour découvrir les strates historiques qui ont fondé la Philadelphie**. J’irai, donc, la visiter demain avec Lotfi Zayed, maintenant, il est temps de rejoindre le dynamique boulevard du Rainbow street pour découvrir ce que sa jeunesse a à partager.

 

 

 

 

*Estimations réduites de moitié par les officiels

**Ancien nom d’Amman

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