Les premières minutes sur un sol étranger ont toujours un goût particulier. On scrute les premières personnes rencontrées sur notre chemin, on se compare, on sourit bêtement et on se met à tirer des conclusions hâtives sur ce peuple qu’on rencontre à peine. A notre arrivée à Alger, notre premier ressenti n’est pas tellement surprenant : nous sommes un seul et même peuple. Aussi bien physiquement que dans le langage, les différences sont ténues. Alors que nous foulons ce sol inconnu, nous sommes rapidement accueillis par des sourires, dès lors que notre accent commence à transparaître après deux ou trois phrases. Même à la douane, on nous demande de quelle ville on vient au Maroc, tout le monde trouve un ami ou un membre de la famille qui vit dans le pays et se met à en citer fièrement les quartiers.
En regardant autour de nous, on commence peu à peu à noter les différences. Les couleurs du drapeau algérien sont partout dans les publicités et les 1, 2,3 Viva L’Algérie s’invitent sur les tubes de sucre qui accompagnent le café.
« Tout ces problèmes entre nos peuples sont de la faute des politiciens », nous dit-on, dans un mélange de français et d’arabe très familier. Au fond, les maghrébins se sentent tous une forte appartenance commune, dans la langue, la religion, les us et coutumes.
Bagages récupérés, nous nous mettons en quête d’un vol interne pour Oran, ville emblématique du raï située à l’Ouest du pays, à quelques kilomètres seulement de la frontière marocaine.
Nous arrivons sur place une heure plus tard. Sur le trajet de l’aéroport au centre ville, nos premiers sentiments se confirment. Tout en étant peu dépaysés, on remarque les reliquats du socialisme dans l’architecture en blocs à l’entrée de la ville. Ici, les rues portent les noms des martyrs et les larges ronds points entourent des rues parfaitement goudronnées. Alors que nous parcourons la ville en voiture, on nous explique qu’elle a été fondée par les Andalous en 902 puis a connu une succession de dynasties arabo-berbères avant l’occupation espagnole et la reconquête par le bey Mohamed El Kabîr.
Ces influences se voient dans l’architecture du centre ville, près du conservatoire et du lycée Pasteur, là où les plafonds des appartements sont hauts et imposants et les belles moulures espagnoles ornent les façades. Nous retrouvons, ce jour-là, celui qui se fait appeler Fay La Faille en début d’après-midi après une courte balade sur le front de mer.
Le vice-président de l’association Nomades et fondateur du club ISO nous propose alors d’aller déjeuner dans le quartier populaire de Saint Pierre. Plongés dans les entrailles de la ville, nous découvrons la petite maison de Aziz, restaurateur qui accueille les clients dans une arrière boutique intimiste et dépose, sans fin, des plats locaux sur notre table. Nous apprendrons ensuite qu’Aziz est un tunisien installé à Oran et nous nous rendons alors compte que nous formons à nous tous une belle rencontre du grand Maghreb.
Rassasiés et conquis par les belles rues qui donnent sur un fond de mer bleu et semblent s’y jeter, nous arpentons ensuite la ville ensemble. Après une halte au café Rotana, où nous retrouvons un membre de l’équipe Wikipédia Algérie et d’autres Nomades, nous nous rendons au local de l’association. Dans cet espace flambant neuf sont suspendues au mur les photographies que les Nomades prennent pendant leurs excursions et qui dévoilent la beauté des paysages algériens qui restent inconnus du grand public : Tipaza, Cherchal et les balcons du roufi.
A Oran, il y a une âme, un esprit décontracté et une vraie joie de vivre. Même en n’y étant que pour une petite journée, on en ressent la dynamique communicative et détendue. C’est le cœur serré que nous prendrons la route pour une autre destination, en s’étant fait la promesse d’y revenir un jour.
18 h 30
Il est déjà l’heure de rejoindre notre conducteur pour prendre le route pour Tlemçen. Notre passage à Oran aura été court et intense mais la beauté de cette ville nous aura violemment percuté. Nous passons en voiture devant la Place d’Armes qui ressemble curieusement aux places de Séville et de Grenade mais dont les façades défraîchies froissent le cœur. Les paroles de Khaled résonnent alors très fort dans nos têtes.
Pendant que Khaled chante nostalgiquement la beauté perdue de la ville de sa voix mielleuse, nous arrivons devant le quartier de Sidi Houari, considéré comme « le vieil Oran » et qui recèle, à ce jour, l’empreinte des diverses occupations qu’a connues Oran : espagnole, ottomane et française. C’est donc sur ces dernières images que nous quittons la ville, sous un ciel incandescent traversé de sillons rosés et de nuées bleues qui s’évanouissent à mesure que le soleil dodu se glisse dans sa baignoire orange… puis disparaît.