Rencontre pendant la préparation de Salal de la compagnie Douban

En Palestine, la liberté de mouvement est une denrée bien trop rare et les espoirs  de la population palestinienne ont progressivement laissé place à une certaine désillusion. Une jeune troupe de danse contemporaine, la compagnie Douban, décide alors de déclarer avec force et abnégation la mise en mouvement des corps pour plus d’union et de joie.

Une ouverture totale des pores à d’autres cultures de danse que celle traditionnelle du dabke prend forme, dans le but de faire tomber métaphoriquement les frontières et les difficultés de déplacement dans cette zone du monde. Avec la participation de danseurs et danseuses reconnus-es, notamment Mirjam Barakar qui a apporté son style chorégraphique, est né Salal leur nouvelle création.

On perçoit aux premiers mots un engagement de la part du représentant de Douban, Hanna E. Tams.  À 23 ans, il est chorégraphe et danseur principal de cette compagnie de danse palestinienne, féministe et contemporaine. Sa nouvelle création Salal reflète une volonté d’ouverture au monde.

C’est en parcourant sa ville natale, Jérusalem et sa riche histoire multiculturelle que Hanna s’inspire et s’empare d’une thématique sociale et culturelle pour la transmettre par la danse. Entre le désir d’unité et d’appartenance sans égal à sa culture et celui de ne pas se sentir enclavé, de se connecter au reste du monde, Salal remet au présent un patrimoine culturel historique d’une Jérusalem plurielle et la nécessité d’unité pour lutter contre les obscurantismes et la division de ses communautés.

Dans cette création, plusieurs chorégraphes étrangers participent au projet. Ils entremêlent un répertoire  culturel gypsy, égyptien, arménien et africain grâce au travail de chorégraphes d’Afrique du Sud , du Cameroun et d’ailleurs. Pour Douban, « L’Afrique est la Palestine et la Palestine est l’Afrique. Nous partageons nos histoires communes de colonisation et d’espoir pour la liberté et l’espérance d’un meilleur futur ». En tant que création contemporaine, Salal ne propose pas de narration suivie mais plusieurs tableaux résultants de ces diverses influences vivaces qui s’enchainent sur une bande musicale originale composée par Akram Abdulfattah.

L’un des tableaux est dansé sur des rythmes égyptiens. Un style transmis et travaillé avec Mirjam Barakar, chorégraphe et danseuse basée actuellement en Suisse. La danse contemporaine permet pour elle de pouvoir exprimer tout haut, par le mouvement, un mot ou une sensation difficilement exprimable dans le quotidien, comme un certain sentiment d’enfermement ou d’exclusion. Sans oublier le travail esthétique et la dimension du folklore égyptien qui devait ressortir dans cette création.  « C’était un privilège d’avoir Mirjam avec nous dans la partie égyptienne. Ses créations fusionnent des mouvements de folklore et de danse contemporaine, le mot d’ordre de Douban. » Pour Hanna, les références aux mouvements des danses traditionnelles égyptiennes étaient intéressantes car c’est une part de la mosaïque culturelle de la région. Elles dénotent de l’influence qu’ont eut les coptes et les nubiens dans l’évolution de Jérusalem en une ville multiculturelle.

 

La réalité de la création palestinienne demande une telle persévérance. Aujourd’hui, des danseurs dans le monde ont du mal à se déplacer hors de leurs frontières. Certains des danseurs de Douban ont été incapables de participer aux répétitions en dehors de la Cisjordanie.

« Nous ne recevons pas de subventions ni soutiens financiers. Nous travaillons tous à côté pour faire vivre Douban. Je ne peux pas posséder facilement mes propres locaux de répétition ici à Jérusalem parce que je suis palestinien, les lois sont complexes en ce qui concerne la propriété, les taxes sont très élevées. C’est la raison pour laquelle nous devons nous déplacer pour répéter, demander les autorisations pour certains de nos danseurs. Mais le plus frustrant a été de demander un visa pour faire venir le chorégraphe du Cameroun. Nous avons dû attendre une réponse des autorités pendant six mois, payer trois billet d’avions dans le vide et on nous a refusé sa venue sans explications. Finalement, après un recours contre cette décision, il n’a pu venir qu’une semaine, nous étions très stressés pour la création » regrette Hanna.

Pour une jeunesse en manque de vision d’avenir, qui reste accrochée à la danse comme une pratique partagée par toutes les tranches de la population et enseignée par les anciennes générations, rencontrer différents chorégraphes permet de s’unir malgré les barrières figuratives et physiques, de créer ensemble et se sentir plus fort. Les jeunes sont les premières victimes en termes d’arrestations, de détentions, et de morts. Dans un contexte tendu considérablement aggravé depuis les déclarations de Trump concernant Jérusalem et les heurts du 14 mai, Hanna enseigne et motive une nouvelle génération de danseurs. Salal se veut l’expression par les corps dansants et debout d’un autre appel à l’espoir, incarné par une jeune compagnie encore en devenir dans ces projets. Il sera performé durant l’été.

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