La nationalité, le dernier poème publié sur le web par Farah Chamma, a fait des émules. Il a été largement diffusé en à peine trois jours. Il compte depuis sa publication sur Youtube, le 4 janvier, plus de 300 000 vues.
La poétesse de la toile s’en étonne. A 19 ans à peine, la jeune palestinienne jongle entre les études et la prose. Elle a la sincérité de l’enfant et la clairvoyance du sage. Elle énonce sans jugement, avec justesse. Même si les grands noms l’inspirent : Tamim Al Barghouti, Hisham El Khajj, Mahmoud Darwich, son quotidien fait sa plume. « Autour de moi, beaucoup obtiennent des nationalités étrangères, à croire que tous les arabes cherchent à détenir des papiers étrangers. C’est ce phénomène que j’ai voulu aborder avec mon poème »réplique-elle aux questions lancées sur Skype.
« Je ne fais pas de la publicité pour le Brésil » ironise la jeune étudiante installée dans le salon familial à Dubaï. Son poème La nationalité est à prendre au second degré. Ne lui demandez plus la démarche à suivre pour que le Brésil vous adopte. Farah n’a pas été naturalisée, même si les liens qu’elle entretient avec le Brésil sont bien réels. A 13 ans, Farah commence à écrire dans le cocon de l’intimité adolescente. Elle cumule à 15 ans déjà, près de 200 ans poèmes et intègre The Poeticians, un cercle de poètes à Abou Dabi aux Émirats Arabes Unis, son pays de naissance et de résidence.
Déterminée, elle s’essaye à la récitation parmi des poètes d’un autre âge. « Les premières fois où j’ai lu mes poèmes je tremblais. Au début, ma poésie n’était pas faite pour un public. Grande est la différence entre la poésie écrite pour être lue et celle faite pour être déclamée », s’exclame-elle. Finalement, se confronter à un public et à la critique la pousse à se surpasser. Elle compose avec de nouvelles matières et ses sujets, de l’échange se diversifient. Mais toujours, deux caractéristiques de son identité (arabe et palestinienne) lui collent à la peau et se dévoilent entre les lignes, immanquablement.
« J’aime écrire sur la Palestine, mais il ne faut pas tomber dans le piège de n’écrire que sur ce thème, j’en suis bien consciente », assure Farah, qui vient d’achever un poème sur le voile et un autre sur la censure. Ses écrits engagés posent un regard malicieux sur les sociétés arabes. Furtive introspection. Elle poursuit son auto-critique et reconnait écrire de manière très directe, que dans les vers sa pensée soit limpide. Pour le coup, elle se lance un joli défi ! S’essayer à une poésie indirecte, celle qui se décortique et dont le sens n’apparaît qu’en filigrane.
Farah prend plaisir à écrire sans omettre son lecteur. Sa recherche thématique et stylistique est profonde. Nationalité, multiples identités, exil… Les thèmes traditionnels sont jonchés de son vécu, car « la poésie est une expression personnelle, une chose qu’on vit et qu’on éprouve tous les jours » confie-t-elle avec un grand sourire.
Polyglotte qui plus est. Elle ne cesse d’impressionner. Elle écrit en anglais, arabe, français et portugais. Très à l’aise dans la langue de Shakespeare, elle s’est récemment tournée vers l’arabe. « Il m’est apparu paradoxal d’écrire en anglais à propos de ces thèmes », se justifie la poétesse. Elle s’essaye en douceur aux autres idiomes car « le public est plus sensible aux mots dans sa propre langue » admet-elle avant d’ajouter « c’est intéressant de jouer avec les mots et les langues et j’aime l’idée de communiquer avec des poèmes partout dans le monde ».
Farah développe sa poésie en parallèle de ses études en sciences sociales. Elle promet de futurs collaborations avec des artistes marocains ou français et un nouveau poème sur vidéo très bientôt… Du thème et des effluves, elle en a le secret.