Dans son appartement de Gemmayze, Noor Haydar a consacré une pièce à la reconstitution d’une partie de son exposition «Loose Ends ». Un petit tour agréable dans tous les sens du poil.
L’inspiration du retour
Après de multiples expériences à l’étranger, Noor ressentait le besoin de rentrer vivre dans son pays d’origine, le Liban. Ce retour, longtemps espéré, a été accompagné d’un stress permanent. En mai 2008, Noor apprivoisait son nouvel environnement quand des affrontements ont embrasé des quartiers de la capitale. Depuis, son adaptation se conjugue à une chute de cheveux chronique qui l’intrigue.
Cet événement, presque anodin dans la vie de l’homme amène Noor à réfléchir longtemps sur notre rapport au poil. Tantôt source d’attraction, tantôt de dégout, l’emplacement du cheveu et sa densité semblent être de très forts critères de jugement. Par un trait de crayon, des coups de pinceaux réalistes et une succession d’installations, Noor Haydar suscite par ses œuvres multidisciplinaires différentes réactions chez les visiteurs de l’exposition. Tout au long du parcours, les faciès changent d’expression, du sourire à l’aversion.
Une réflexion qui prend tout son sens au Liban où la culture du paraître prend parfois une ampleur phénoménale. Dans « Loose Ends », première exposition personnelle de Noor après ses multiples contributions à des représentations collectives à Londres ou encore à Chelsea où elle a vécu auparavant, l’on découvre une collection de rondelles de coton usées. Juxtaposées sur une toile, ces essuies maquillage sont teintés de nuances d’un gris-noir résidu d’un mascara touffu et d’un rose-rouge estompé qui s’évade de lèvres gommées.
La prolongation du projet
L’ambivalence du sentiment que procure le poil continue à inspirer Noor Haydar, très intéressée par les contradictions de notre monde. Pour son prochain projet, elle oriente ses recherches sur les vies parallèles des citoyens du XXIème, entre leur personne réelle et leur personnalité virtuelle sur les réseaux sociaux.
Dans les 54 boules de crystal où Noor a fixé à l’aide de résine ses cheveux tombés, l’artiste exhibe et expose ainsi une part d’elle même au public. Une part de son physique qu’elle a choisi de mettre en avant, quand d’autres tentent de magnifier d’autres parties de leurs corps. En effet, le recours massif à la chirurgie esthétique au Liban donne à analyser les représentations de la beauté et les tendances fâcheuses, chez une partie de la population, d’afficher des marqueurs de faste et d’opulence.
Cette obsession du physique, Noor Haydar a aussi pu la percevoir et la discuter avec de nombreux adolescents qui assistent aux ateliers qu’elle organise. En demandant aux jeunes participants de tracer les contours de leur partie du corps préférée, des discussions non sans complexes s’en suivent. Ceci pousse Noor à se surpasser pour sa future installation géante qui interroge les limites du réel et de la fantaisie. Ainsi, son nouveau projet consiste à imaginer un parcours qui propose au public de parcourir l’univers de son choix en suivant des routes différentes. Entre une réalité crue et un rêve pailleté, quel monde sera-t-il le plus attrayant?