Lorsqu’il quitta les bancs de l’école, Mounir ne s’imaginait pas percer, quelques années après, dans un monde artistique qui lui était complétement inconnu jusqu’alors. Créant un univers pictural authentique, ses personnages sont le fruit d’un fort vécu.
Dans son quartier natal d’Annaba, rares sont ceux qui ont une modeste culture artistique. Cela ne l’empêchera pas de manier le crayon et de vivre de dessins et de couleurs fraîches. Après une période de désorientation, il se rappellera des paroles d’un ancien professeur qui lui avait recommandé de se rendre aux Beaux-arts. Interpellé par le terme, il se renseigne a posteriori et finit par réussir le concours de l’école régionale.
Lorsqu’il intègre l’Ecole nationale, à Annaba, en 2006, Mounir se spécialise en arts visuels. Il se sent d’abord frustré de ne pas pouvoir partager sa passion avec son entourage, mais finit par se libérer de son sentiment d’oppression pour le convertir en terreau d’inspiration.
Il avoue être tout ouïe à la réflexion de jeunes algériens, qui habitent dans la même banlieue que lui, afin de partager leurs émotions et de s’imprégner de leur effervescence et force cachée.
Selon Mounir, il y a beaucoup de choses à dire lorsqu’on vient d’un quartier. Mais le manque de moyen d’expression rend ce vivier improductif.
Maniant papier et crayon, d’un trait fin et fort, il convertira les forces qui le démangent en illustrations frappantes. Grâce aux médias et nouveaux réseaux sociaux, le travail de Mounir a pu se faire connaître au-delà des frontières.
Dans sa démarche, il dit vouloir chercher la différence. Il s’éloigne de la peinture académique pour s’intéresser au dessin contemporain. Muni de matériaux simples et d’un ordinateur, sa pratique n’en demeure pas moins exigeante et capable d’agiter les natures d’habitude indifférentes. Mounir, dont le travail relate souvent des faits et constatations inspirés de son réel, produit des séries de dessin qui intriguent.
D’une simple touche à l’aquarelle, son pouce forme les contours de son premier personnage coloré « Moul 9chabiya » (L’homme à la Kachaba – habit traditionnel). Ce dernier n’arrêtait pas de le hanter depuis le jour où, en allant présenter ses condoléances à un ami qui venait de perdre son père, il croisa sur son chemin un vieux qui, surpris par les dreadlocks de Mounir, ne pouvait s’empêcher de poser sa main sur sa tête. De ce geste, le vieil homme marqua l’esprit de Mounir et ne cessa d’apparaitre dans ses songes avec à chaque fois un détail ou accessoire différent. Mounir décide alors de reproduire ses éléments insolites en images pour se dégager de ces subtiles hallucinations.
[tg_grid_gallery gallery_id= »17178″ layout= »wide » columns= »3″]Intitulé « 32 January », Mounir entame la série le soir d’un réveillon. Il commence son trait le 31 décembre 2013 pour le finir l’année d’après. Fils de fer qui se tordent, ses tracés forment une ronce noire qui encercle et borde sa feuille blanche, étouffant parfois son bonhomme orange. Désormais confiné à des bordures barbelées, son gaillard se débat dans des affres d’un quotidien déterminé pas toujours heureux.
Les esquisses de Mounir reflètent aussi sa curiosité pour la politique et les nouveaux médias. Aux aguets, il suit de près ce monde en mutation dont le spectacle l’inspire. Aux crayons, ses visions prennent forme et détournent d’un geste net des scènes retranscrites sur les canaux d’informations.
Son éveil le mène à remarquer des détails insoupçonnés d’événements, parfois tragiques, de l’actualité. La série « By the coptic cursers of Egypt » soulève le caractère artistique et la théâtralité dans le crime diffusée par Daech lors de l’exécution de 21 coptes sur une plage en Libye. La vue prise de haut de cette scène sordide surprend Mounir par sa symétrie et l’alignement des innocents et des tueurs derrière. Le cadrage du plan relevait pour lui des contradictions qu’il ne pouvait que reproduire en images dessinées. Ce triptyque, au cadre richement ornementé, révélait le sens organisationnel des terroristes criminels.
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