De nos jours, au Maroc, une caravane s’égare dans des sentiers sans fin : avec Mimosas, le réalisateur Oliver Laxe impose un style très original.
Accompagner un vieil homme dans son dernier pèlerinage vers sa ville natale, Sijilmassa, tel est le but d’un petit groupe d’hommes et de femmes, regroupés dans un périple aussi dangereux qu’incertain.
Découpé en trois chapitres, Mimosas est une fable qui ne respecte pourtant aucune règle de narration classique. Ici, les personnages entourant les deux héros sont presque tous muets, l’enjeu de la marche est modifié dès le premier quart du film, de mystérieux plans larges montrent des taxis qui roulent dans le désert sur de la musique expérimentale. Enfin, il n’y a pas de réel dénouement.
Au premier abord déstabilisante , la liberté du réalisateur se révèle finalement fascinante.
L’impression mystique qui se dégage fortement du film est le résultat de procédés cinématographiques très maîtrisés. Le réalisateur franco-espagnol Oliver Laxe sait capter le silence et lui donner du relief, quand par contraste crissent les pas des marcheurs sur les pierres acérées des sentiers de l’Atlas. La lenteur, le gris et le noir de la montagne, le froid très perceptible dans les nombreuses scènes de nuit éclairées par un feu viennent dynamiter les images souvent véhiculées sur le Maroc. Les hommes et les femmes de la caravane sont indifféremment voilés, tel que l’on peut le voir sur la superbe affiche du film.
Dans les scènes se déroulant dans l’Atlas, le film se perd dans le temps: les marcheurs sont peut-être seuls au monde, le but à atteindre n’est en réalité nulle part – la cité commerçante de Sijilmassa a été détruite au début du XIXe siècle. Le contraste avec les scènes citadines est évocateur: les hommes y sont violents, médiocres, ça et là des chantiers et des machines industrielles paraissent ne rien construire.
Parmi le groupe de caravaniers se distinguent deux personnages, Ahmed (Ahmed Hammoud) et Shakib (Mohamed Shakib ben Omar). L’un incarne le doute, le pessimisme, l’absence de valeurs. L’autre est un jeune homme énigmatique qui prétend connaître le chemin et dont les convictions se résument dans le proverbe qu’il se plaît à répéter : « Dieu soit loué, tout va bien ». Entre le sceptique et le théiste se noue une amitié qui fait le sel du film. Mimosas n’évoque jamais l’Islam, religion d’Etat au Maroc, et préfère interroger les croyances et les limites – physiques et mentales – de ses protagonistes.
Impossible à enfermer dans un genre, Mimosas est à la fois un conte, un road-movie et un western : le réalisateur fait régulièrement l’usage de très gros plans, les ennemis de la scène des coups de feux sont à peine visibles tels des indiens dissimulés derrière des talus, enfin, la scène finale sans dénouement semble être un clin d’oeil au célèbre Butch Cassidy et le Kid de George Roy Hill.