Mars 2016, le festival FAME accueille, à la Gaîté Lyrique, la réalisatrice Hind Meddeb qui projette pour la première fois son documentaire Tunisia Clash.
Pendant plusieurs mois, en 2013, elle a suivi des rappeurs à travers la Tunisie pour partager leurs passions et leurs galères. Son prédécesseur, Electro Chaabi, dressait le portrait d’une jeunesse égyptienne créative, celle qui puise son inspiration dans la rue. Tunisia Clash nous dévoile une toute autre scène, celle du rap contestataire.
Ce qui semblait anecdotique est, en fait, un tissu riche d’artistes au talent trop peu reconnu. Les noms s’enchaînent : Klay BBj, Phenix, Weld El 15 et, parmi eux, Madou Mc. On annonce à la fin de la projection, un showcase de l’artiste. Des techniciens viennent installer le matériel du DJ puis posent, là, au milieu de la grande scène, une table, une lampe de bureau, une bouteille d’eau et une chaise. Petit sourire. Comment l’artiste va t-il occuper cette grande scène à lui tout seul ?
La réponse ne tarde pas à débarquer, casquette sur la tête et avec un sweatshirt de la Scred Connexion. Bon choix. La musique démarre et Madou Mc balance ses mots, avec une aisance déconcertante. Les rimes s’enchaînent dans un mélange, harmonieux et bien équilibré, de français et de tunisien. L’artiste présente, d’ailleurs, certaines de ses nouvelles compositions.
Salle comble, au public éclectique, où des sexagénaires côtoient de jeunes enfants. Du petit garçon à sa grand-mère, des sourires apparaissent sur les visages. Certains n’ont absolument aucune idée des sujets évoqués, mais ils sourient. Après tout, c’est la raison d’être de la musique.
Le flow de ce tunisien de 27 ans est étourdissant.
Originaire du quartier de la Kabbaria, à Tunis, Madou livre à travers sa musique, ses espoirs et ses colères, sa fierté et sa tristesse. Son rap est saisissant puisqu’il vient du cœur – à tel point que la scène de la Gaîté Lyrique en paraissait petite.
Pour lui, la révolution tunisienne est, d’abord et surtout, une révolution culturelle. Elle est cette envie de partir et de « sauver sa vie », loin de ceux qui ont « volé [leurs] rêves » et, enfin, cette force de ne jamais baisser les bras, malgré les coups de la vie. Il garde la tête haute.
De découvertes en découvertes, il est aisé de se rendre compte que l’art de rue en Tunisie est d’une richesse rare. Mais le poids du système, encore beaucoup trop rigide, pousse les artistes à chercher la liberté de créer ailleurs. Certains ont posé leurs valises en France, à Paris ou à Saint-Malo, puisque leur message était souvent étouffé par le gouvernement. Succession de procès, lois au coût social trop important, pression constante : de quoi en décourager plus d’un. Mais pas eux.
Madou Mc, lui, a choisi Paris. C’est ici qu’il s’est installé pour réaliser ses projets. Sur la liste, de nouvelles compositions. Le funambule de la rime continue à jongler avec les mots en France. Nouveau départ.
Il a la Tunisie gravée dans le cœur lorsqu’il lance et balance ses mots, ces mots qui nous frappent, comme pour nous réveiller après une longue période de sommeil. Dans son premier album, Homme en Or, il nous parle des sujets qui lui tiennent à cœur. Tout d’abord, il y a la Kabbaria, ou KBBA, son quartier. Dans un second temps, les sujets traitent un peu de politique. Mais, pour lui, « quand tu parles du quartier, tu fais forcément de la politique, c’est lié ».
Madou évoque ses projets, et notamment celui d’un « clan » d’artistes réunissant Mr Kaz, Weld el 15 et leur DJ sous le nom de BledArtist. Ils se produiront le 25 juin à Madrid et lanceront leurs premières compositions en septembre prochain. Baptême du feu pour les artistes qui collaboreront avec plusieurs musiciens acoustiques alternant entre influences jazz et hip hop. Affaire à suivre…
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