Quand nous arrivons à Amman, la discussion du moment tourne autour de l’exposition actuelle de la galerie Jacaranda Images. « Vous y étiez ? », « L’avez-vous vu ? », nous répète-t-on au quotidien. Notre curiosité provoquée, ces multiples commentaires finissent par nous donner envie de découvrir ce qu’on nous décrit comme des caricatures enjouées. Et ce que nous découvrons appuie ces dires et les dépasse même.
Lorsque nous découvrons les affiches cocasses et multicolores de Lutfi Zayed, nous demandons à rencontrer l’illustrateur à la source.
Premières présentations
Tout petit, Lutfi gribouillait déjà partout. Poursuivre des études et une carrière de graphiste lui semblait être une suite logique pour assouvir sa passion. Après une courte introduction au monde de l’entreprise, son besoin d’exprimer ses pensées et de déployer sa créativité le poussent à se détacher de toutes les emprises qui limitent ses possibilités.
Une fois libéré, Lutfi contribue à plusieurs expositions collectives et en tant que graphiste en free-lance, développe ses propres concepts pour des clients à la recherche d’authenticité. Outre sa maitrise des outils digitaux, Lutfi emploie aussi bien la peinture que les bombes aérosols. Il ne rechigne devant rien pour mettre en formes et en couleurs ses pensées.
Quand sa spontanéité gestuelle se déploie, des personnages attachants sortent tout droit de l’imagination de Lutfi et surprennent par leur posture. Des sujets variés et singuliers transparaissent dans ces affiches qui ornent les visages de ceux qui les croisent d’un large sourire.
« Diversions », une exposition personnelle
Pour sa première exposition personnelle, Lutfi reste fidèle à ses premières inspirations. La culture populaire et son quotidien sont pour lui des sources intarissables d’idées et de sujets à explorer. Des couleurs chatoyantes et des traits précis dépeignent avec beaucoup d’esprit diverses situations. Mais l’œil distingué et le talent unique de Lutfi lui permettent d’approcher différemment des sujets, faussement, naïfs.
« Diversions » est ainsi un éclairage insoupçonné projeté sur des concepts familiers. C’est également une exposition qui a réussi à réunir aussi bien les habitués de la galerie que des amis de Lutfi ou encore des clients de ses tee-shirts imprimés que l’on peut retrouver chez la marque de designers jordanienne Jobedu. Des connus et des inconnus pour l’artiste ont pu donc, lors du vernissage, lui livrer leurs impressions. Marqué par ces retours, Lutfi a apprécié ces échanges qui le confortent dans sa conviction que l’expression artistique ouvre les champs des lectures possibles et apporte de nouvelles perspectives sur plusieurs questions.
Les idées plein la tête et la motivation au rendez-vous: « J’ai souvent besoin de changement et cela me pousse à créer », nous confie Lutfi avant de poursuivre, trépidant « Je veux briser les barrières, tester de nouvelles choses ».
Sortir de ses zones de confort et s’essayer à de nouvelles pratiques semblent ainsi être ses nouvelles résolutions.
Nouveau plan de travail
Tout au long de la discussion, les yeux de Lutfi brillent et trahissent la démesure de sa passion pour l’illustration. Son enthousiasme précieux produit chez lui une profusion d’idées et une grande volonté de les mener. Des projets d’animation ou encore l’édition de livres illustrés figurent sur la liste des réalisations à accomplir pour lui prochainement.
Des chansons destinées aux enfants verront le jour cette année. D’autres projets destinés aux adultes sont aussi sur la route. Avec ces derniers, Lutfi n’a pas peur de briser subtilement des tabous. Comme cela a déjà été le cas pendant l’exposition collective « City languages », soutenue par la marque arabe de skateboards « Philadelphia », les œuvres présentées par Lutfi ont décroché plus d’un sourire.
En effet, ses peintures sur les planches détournent des termes familiers, empruntant à un univers enfantin, pour nommer des parties génitales. Après « Alhamama » (La pigeonne) et « Al3ouch » (Le nid), nous nous plaçons dans l’attente des prochaines surprises malicieuses de Lutfi.