Les obsessions photographiques de Myriam Boulos

Myriam Boulos - Sunday

Toute ma démarche photographique découle d’une seule et même chose. D’un sentiment de fascination que j’éprouve pour le sujet que je photographie.

A 26 ans à peine, Myriam Boulos présente toutes les signes d’une carrière prometteuse. Dans le cadre de l’exposition C’est Beyrouth qui se déroule en ce moment à l’Institut des Cultures d’Islam de Paris, elle nous dévoile C’est dimanche, une série explorant la féminité des femmes domestiques au Liban.

Myriam Boulos – Sunday

Née et ayant grandi à Beyrouth, c’est à l’adolescence que Myriam Boulos touche à un appareil photo professionnel pour la première fois. Celui de sa meilleure amie au lycée. Dix ans après, la jeune photographe n’a toujours pas cessé de s’amuser avec l’objectif. Après l’obtention d’un Master en photographie à l’Académie libanaise des Beaux arts, elle réalise à l’âge de 23 ans Vertiges du matin, une suite de clichés en bichromie de noir et blanc qui suit les oiseaux de nuits Beyrouthins à leur sortie du B018, célèbre club libanais.

Dans cette discothèque, tout fait allusion à la mort. Elle est enterrée dans le sol et les fauteuils comme les tables sont en forme de cercueil. Pendant la nuit, son toit s’ouvre. Pour moi, à travers cette série j’ai voulu questionner la fragilité de la société et de la politique au Liban. Mais aussi comprendre pourquoi les gens à Beyrouth ont ce besoin compulsif de sortir et de se montrer. Je me demande d’où vient cette insatisfaction chronique que les gens ont besoin de transcender par la fête.

En écumant les discothèques du pays, l’artiste cherche à capturer l’essence de la jeunesse libanaise. Première fascination, première série. Ce projet sera le premier chapitre d’une longue série d’obsessions pour la photographe.

Interview première fois…

Quel a été ton premier appareil photo ?

Mon premier appareil était un canon 550 que j’ai gardé pendant plusieurs années, puis un 6 D et maintenant un 5D.

Le premier photographe qui t’a marqué ?

Beaucoup de photographes m’ont marquée mais les premiers ont sûrement été les grands classiques que j’ai découvert à la faculté libanaise des beaux arts : Newton, Diane Godin, Martin Paar. Des photographes qui ont des obsessions récurrentes dans leur travail et possèdent une véritable signature esthétique.

Ta première obsession photographique

La ville de Beyrouth et ses habitants. A travers cette ville, j’essaie de trouver ma place dans cette ville et de comprendre la société libanaise; une société contradictoire et fragmentée dont chaque partie survit dans sa propre bulle. Je me demande aussi comment se réinventer dans une société patriarcale et capitaliste.

Série Dead End

Peux-tu nous présenter l’histoire du projet C’est Dimanche, ta série présentée à l’Institut des Cultures d’Islam ?

Cette série a commencé par ma fascination pour ces femmes que je voyais passer dans la ville le dimanche, qui correspond à leur seul jour de repos de la semaine. Pour moi, elles étaient comme des mirages que je croisais quand je passais en voiture, puis elles disparaissaient. J’ai voulu fixer cet instant de la semaine où elles redeviennent femme avant d’être femmes de ménage. En faisant ces photos, j’ai aussi réalisé qu’elles menaient un combat croisé : à la fois celui de femmes domestiques, mais également celui de toutes les femmes dans la société libanaise, où les rôles sont distribués d’avance.

Myriam Boulos – Sunday

Comment tu t’y es prise pour les approcher et gagner cette confiance ?

Je possède la même approche avec tous mes sujets. Je me ballade dans la ville avec ma caméra, puis je fais des rencontres. Au début, les gens se méfient mais dès que je leur explique mon projet et qu’ils réalisent que je suis bienveillante, ils s’intéressent.

Tu as dit lors du vernissage de l’exposition que cette série était en rupture avec ton travail habituel. Pourquoi ?

Généralement mon travail est très personnel et intime. Celui-ci est pour la première fois purement documentaire. Aussi, j’ai utilisé la couleur car j’avais envie de m’effacer derrière l’objectif et mettre ces femmes en valeur alors que dans mes séries précédentes, j’aimais jouer avec le contraste le flash et le noir et blanc. Pour moi, dans cette esthétique on voit beaucoup moins mon empreinte.

Le commissaire de l’exposition Sabyl Ghassoub a dit qu’au Liban tout le monde se considérait comme une minorité menacée. Quelle est la situation de ces femmes aujourd’hui qui appartiennent à l’une de ces minorités ?

Je n’ai pas envie de parler pour elles car je ne veux pas faire de généralités, mais je pense que la loi de la Kafala est problématique (NDLR coutume importée des pays du Golfe qui fait en sorte que les femmes domestiques en arrivant au Liban dépendent du parrainage des familles qui les emploient et sont sous leur tutelle juridique, ce qui limite leurs droits). Cette loi fait que certains employeurs abusent de ces femmes. De l’autre, certaines reconstruisent toute leur vie ici et ne veulent plus repartir. Le Liban devient leur maison également.

Myriam Boulos – Sunday

Myriam Boulos – Sunday

C'est dimanche

Au sein de l'expo C'est Beyrouth à l'ICI Paris

Dead end

A l'Institut Français du Liban jusqu’au 26 avril

 

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