El-Moudjahidates, nos héroïnes est un hommage à l’histoire et aux femmes combattantes de la guerre d’Algérie. Avec ou sans armes, elles ont combattu pour l’indépendance. Le travail photographique de Nadja Makhlouf et de Chérif Benyoucef en dresse le portrait au Musée d’art contemporain d’Alger, jusqu’au 5 juillet.
Deux photos illustrent chaque moudjahidate. L’une récente est du photographe et l’autre est une image d’archive. Entre les deux, le temps qui s’écoule, tandis que la combattante revient sur ses premières années de guerre dans un enregistrement audio.
Du Djebel aux bidonvilles de Nanterre
Hassiba Ben Bouali, Malika Lamri, Alice Cherki, Gylberte Sportisse… Entre la poseuse de bombes, l’agent de liaison ou la couseuse de drapeaux, toutes ont participé « de loin ou de près à la guerre de libération« , explique l’artiste. Cette exposition est le second volet d’une trilogie que Nadja Makhlouf consacre aux femmes algériennes.
En noir et blanc, les photos sont d’un esthétisme fin. De leur visage, une histoire particulière se dégage. On les retrouve à leur domicile avec un souvenir impérissable de leurs années de combat et de leur jeunesse. Pour Nadja Makhlouf, « ce passé est encore très présent dans leur vie. Elles se rappellent très bien et avec précision ce qui s’est passé il y a cinquante ans, bien qu’elles soient incapables de se souvenir de quelques détails de la veille« . 52 ans après, ces femmes autrefois jeunes recrues, en appellent à leur mémoire, contre l’oubli de l’histoire. Certaines sont en bonne santé, mais d’autres gravement malades.
« J’avais envie de parler des femmes combattantes à travers toutes les actions qu’elles ont menées. Il n’y a pas de grandes ou de petites actions« , lance la photographe. « En travaillant dessus, je me suis rendu compte que les grands historiens ne se sont pas étalés sur le sujet. Ce sont essentiellement les femmes combattantes qui ont écrit à partir de leur vécu, puis des ethnologues femmes qui s’y sont intéressées. Je trouve aussi dommage que les archives personnelles de ces femmes ne soient pas exploitées. C’est une perte terrible« , regrette Nadja Makhlouf.
Loin des clichés
Algériennes, françaises, chrétiennes, musulmanes ou juives. L’artiste a choisi des femmes de toutes origines et des deux côtés de la Méditerranée. « Il n’y avait pas de débat stérile sur l’identité et la religion à l’époque. De toute façon, lors du combat, une seule chose comptait« , dit-elle avec justesse. « Quand j’ai commencé mon travail, je voulais me limiter aux combattantes algéroises. Au fil de mes rencontres et de mes réflexions personnelles, je me suis rendu compte que ce n’était pas pertinent de donner à voir uniquement à travers ce prisme là. Il fallait sortir des clichés de la femme combattante et surtout de mes propres clichés« , raconte Nadja. Elle opte finalement pour une approche plus universelle, sans aucun clivage entre ici et là-bas. L’hommage n’en est que mieux ficelé.
Main dans la main, en intégrant les groupes de combattants, ces femmes ont tissé la liberté de l’Algérie. « Elles sont encore très sensibles et conscientes de la vie politique et sociale du pays et c’est agréable d’avoir des débats politiques avec elles« , confie Nadja Makhlouf.
Près de 60 portraits sont à contempler et des dizaines de grandes histoires sont à écouter. L’exposition sera transféré par la suite en Egypte, puis en France.