Le Printemps des Arabes, hommage à la révolution

printemps des arabes

Mouhammed Bouazizi, Tanakul Karman, Ghyath Matar, Fadwa Suleiman, Hamza Kashgari, Ahmed Harara… Vous rappelez-vous de ces noms ? Peut être pas…

Pourtant, ils sont les acteurs de l’histoire contemporaine et révolutionnaire des pays arabes. Des personnages anonymes, qui d’un geste de protestation ont embrasé toute une dynamique de changement. Les transitions à peine entamées ont encore de longues années de lutte devant elles. Le bilan des avancées ou reculs des dénommées « révolutions arabes » sera le fruit de l’histoire. Pour garder en mémoire ces évènements qui ont secoué les pays arabes, Cyrille Pomès et Jean-Pierre Filiu y consacrent une bande-dessinée intitulée le Printemps des Arabes. Découverte.

Le  roman graphique est le fruit d’une collaboration entre Jean-Pierre Filiu, professeur à Sciences Po en histoire du Moyen-Orient contemporain pour le texte et Cyrille Pomès pour le dessin. Un croisement intéressant entre le monde artistique et la recherche. « De cette collaboration, je suis le premier à avoir appris. Avec Jean-Pierre Filiu, je suis retourné à l’école. Notre collaboration s’est extrêmement bien passé, il était disponible et à l’écoute », raconte le dessinateur. La bande dessinée a reçu un bon accueil en France et a été traduite en allemand, italien et coréen, mais les auteurs espèrent une prochaine version en arabe, pour toucher le public dépeint dans l’ouvrage.

De Sidi Bouzid en Tunisie, à Alep en Syrie, où la guerre fait encore rage, le récit chronologique nous mène de pays en pays au coeur des évènements de protestation contre l’ordre établi. Le lecteur se retrouve soudain sur les places emblématiques : Tahrir (liberté) au Caire, la renommée Taghyir (changement) à Sanaa au Yémen, Place de la Perle à Manama à Bahreïn…

A contre courant des évènements et de l’analyse faite par les médias, la narration emprunte le prisme des personnages. Les différents chapitres sont faits de portraits saisissants. « Depuis tout petit, ce que j’aime dessiner le plus, ce sont les visages » confie Cyrille Pomès.

Fadwa Suleiman est née dans une famille alaouite d’Alep … Le 7 novembre, Fadwa quitte Damas pour la cité insurgée de Homs… Désormais surnommée la ‘passionaria de Homs, elle met son fils en sécurité et entre dans la clandestinité avec les comités révolutionnaires … Le peuple syrien vaut tellement mieux que d’être réduit à des sunnites et des alaouites.

Il n’y a pas de printemps arabe, mais un Printemps des Arabes comme le dit si bien le titre de l’ouvrage. Les évènements se sont succédés en un court laps de temps, mais chaque mouvement s’insère dans un contexte politique, économique et social unique. Le texte de Jean Pierre Filiu s’attache à l’expliquer avec précision et pédagogie. Disparités et liens entre les pays sont mis en évidence. Révoltes armées, pacifiques, culturelles, aucun pays n’est laissé de côté. : le Yémen à travers la délégation de Jahachine, le Maroc avec le mouvement du 20 février ou encore l’Algérie et l’histoire d’une « oasis rebelle », celle de Laghrouat.

Les dessins, arrêts sur image des moments de l’histoire s’enchainent avec véhémence. Ils ont le sens du détail et l’intensité du réel. « J’ai moi même été pris par la dynamique des révolutions. Je n’ai pas travaillé dans l’urgence, mais je voulais rendre hommage au mouvement de la foule », confie Cyrille Pomès.

A Gaza, la révolution est culturelle

Le Printemps des Arabes est la première bande-dessinée documentaire du dessinateur, un travail qui nécessite une approche différente. « La première contrainte a été d’avoir des lieux et personnages existants, qui ont nécessité un grand travail de documentation en amont. C’est au final un tiers de documentation et deux tiers de recomposition. La réalité rejoint la fiction et c’est bien là l’invention du réel dans le dessin », explique-t-il, avant d’ajouter : « C’est en partie réaliste, ce qui impliquait de la rigueur dans mon travail, mais pas moins de liberté. C’est confortable pour un dessinateur d’avoir la réalité, un appui solide et ensuite de remettre dans un décor ».

Un emprunt des codes de la BD, pour un rendu à la fois historique, documentaire et journalistique. L’objectif des deux auteurs est de rappeler les faits et la part d’humain qui y a contribué (femmes, hommes, jeunes…), une envie de transmettre. Car sous une révolution politique et sociale, une effervescence culturelle moins apparente est quant à elle bien présente dans les pays arabes. Un chapitre s’intéresse  à la culture dans la bande de Gaza, un vecteur de contestation chez les jeunes. Le groupe de rap, The Palestinian Rapperz (PR), formé de 4 étudiants en est un exemple.  » Merde au Hamas, merde à Israël, merde au Fatah » crie un des jeunes représentés.

La Syrie occupe une place importante, tant la révolution y a été virulente. La guerre se poursuit depuis plus de deux ans et demi dans le pays. En hommage à la lutte du peuple syrien, Alep est la dernière ville à laquelle rend visite cet ouvrage, une porte ouverte sur l’histoire proche du pays.

Cyrille Pomès et Jean Pierre Filiu travaillent sur une prochaine collaboration, l’écriture d’une fiction sur le quartier de Deraya au sud ouest de Damas, où ont eu lieu les attaques chimiques le 21 août. Un appel à l’imaginaire pour créer la dramaturgie, les personnages et reconstruire la vie de ce quartier jusqu’à deux ans et demi avant le drame.

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