Le Maroc refuse de délivrer un visa à Farah Chamma

Le Royaume du Maroc, État uni, totalement souverain, appartenant au Grand Maghreb, réaffirme ce qui suit et s’y engage […] : Approfondir le sens d’appartenance à la Oumma arabo-islamique, et renforcer les liens de fraternité et de solidarité avec ses peuples frères

Préambule de la constitution marocaine du 1er juillet 2011

C’est une décision pour le moins incompréhensible que celle du refus opposé par les autorités marocaines à la demande de visa de la poétesse palestinienne Farah Chamma. Une bien triste attitude, au vu des dispositions de notre constitution.

Il y a quelques semaines, nous vous parlions d’elle, du talent de cette jeune fille, des poèmes qu’elle écrit et qui sont visionnés des centaines de milliers de fois. Je me faisais personnellement un plaisir de la rencontrer le 29 mars, dans le cadre d’activités qu’elle devait tenir à l’Ecole de Gouvernance et d’Economie de Rabat.

Cruelle ironie du sort, c’est son poème La nationalité, qui a le plus été visionné. Car ce qui semble motiver le refus des autorités marocaines, c’est bien que le document de voyage de Farah soit… syrien.

Certes, ce refus s’inscrit dans la droite lignée de la politique que mène le Maroc envers les réfugiés syriens, et l’on me rétorquera que la politique des visas est un domaine souverain. J’en conviens avec plaisir. Il ne s’agit pas d’entrer dans un débat politique. Mais, de toute évidence, Farah Chamma n’a pas tout à fait le look d’un combattant palestinien, ni d’un membre de Jabhat Al Nosra en Syrie.

Farah Chamma venait simplement rencontrer de jeunes Marocains, des artistes, échanger avec eux, créer un lien culturel et social. Elle venait parler d’art, de poésie, rencontrer Hamza de L’bassline et le rappeur Syrien Yazen. La culture est-elle une si terrible arme que les autorités marocaines ont décidé de partir en croisade contre toute initiative, grande ou petite, qui échapperait à leur contrôle ? Nous avons eu l’occasion de disserter, longuement, sur la conception de la politique culturelle officielle marocaine. Elle a le mérite d’exister, et ce bien qu’elle soit très souvent critiquable.

Mais qu’il existe une politique officielle est une chose, qu’on tente, en parallèle, d’annihiler toutes les initiatives, interdire les contre-cultures, les sous-cultures, toute tentative de créativité pouvant échapper au contrôle, en est une autre. C’est une dangereuse atteinte à la liberté d’expression – car, au fond, il s’agit avant tout de cela -, dont les exemples tendent à se multiplier. Encore plus incompréhensible au vu de la faiblesse des « enjeux », si j’ose m’exprimer ainsi.

En plein sommet de la Ligue arabe, centré sur la crise syrienne, cette décision de refuser l’entrée sur le territoire marocain à une poétesse palestinienne de 19 ans – la cause arabe par excellence – est affligeante. Mais, au-delà de cela, elle est révélatrice.

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