Il n’y a, certes, aucune comparaison à faire entre « Lblassa » et la place de Jamaa El Fna, sauf peut-être que ces deux lieux se trouvent dans la même ville : Marrakech.
L’appellation Lblassa peut faire référence à une place en général. Si ce premier lieu est un nouvel immeuble situé dans la nouvelle ville, le deuxième lieu, Jamaa El Fna, est une ancienne place située dans l’ancienne médina et bien connue comme l’apanage du patrimoine oral populaire – ou de ce qui en reste aujourd’hui.
Lblassa est « l’endroit »
Lblassa, composée de deux immeubles à la même entrée, est une résidence qui date du protectorat français et dont l’architecture ne laisse pas le visiteur indifférent. Depuis 2014, elle abrite les bureaux de la Biennale de Marrakech. En plus de son architecture, son emplacement stratégique et son histoire, c’est un lieu qui devient de plus en plus emblématique pendant la Marrakech Biennale. Se déroulant du 24 février au 8 mai 2016, la sixième édition de cet événement consacre le thème « Quoi de neuf là » et est commissionnée par Reem Fadda.
En posant la question au président de la Marrakech Biennale « Lblassa, quelle est l’histoire de ce nom ? », Mohamed Amine Kabbaj nous répond « C’est juste Lblassa : l’endroit, le lieu où il se passe quelque chose, et aussi le lieu de rencontres et d’échanges ». L’immeuble, apprend-on, a été construit dans les années 50. « C’était la propriété du comptoir des mines puis il a été loué à des particuliers. Aujourd’hui, l’immeuble est entièrement vide. Le propriétaire souhaite le transformer en un appart-hôtel. Un restaurant lounge est également en cours de construction au rez-de-chaussée ».
A la mémoire de Leila Alaoui
Lblassa abrite à présent, entre autres expositions parallèles de la Marrakech Biennale, une exposition de la série de photographies intitulée « No Pasara » de la jeune photographe récemment décédée : Leila Alaoui. Il s’agit d’une série dédiée aux migrants subsahariens qui rêvent de traverser la frontière vers l’Europe. Le collectif Zbelmanifesto, qui a créé un rond point à l’angle de la rue Yougoslavie et rue de la Liberté, en face de l’immeuble de Lblassa, a également tenu à rendre hommage à Leila Alaoui en incorporant ses photographies dans cette installation. La terrasse de Lblassa n’a, elle non plus, pas été délaissée par les street artistes qui en ont peint les murs et le sol. Lblassa devient ainsi un immeuble culturel, une grande galerie provisoire dédiée à l’art contemporain.
Nadia Mounier et le nationalisme marocain
Il y a également une projection des photographies de Nadia Mounier à découvrir dans l’un des appartements de Lblassa. Cette jeune photographe égyptienne, en résidence d’artistes dans l’ancienne médina de Marrakech, a pris des clichés « kitsch » des intérieurs et des petits commerces où on peut voir des portraits de la famille royale. Appelé « The Reflections of the Moon », cette série traduit le nationalisme marocain. En effet, lorsque le roi Mohammed V était exilé en Corse, en 1953, on racontait que le peuple voyait son visage sur l’astre lunaire. Nadia Mounier a voulu exprimer ce nationalisme à travers ces portraits des sultans marocains qu’elle retrouve partout où elle va.
Lblassa restera l’endroit
Par ailleurs, Sanaa El Younsi, qui est coordinatrice des projets parallèles de la Marrakech Biennale et responsable de Lblassa, a souligné qu’il s’agit de :
La rencontre des artistes qui exposent, leurs différentes nationalités et mentalités : gérer tout ça est un exercice. Un travail à la fois compliqué et stimulant.
Pendant la durée de l’exposition, et même après, une chose est certaine : Lblassa est un lieu qui devient connu par les artistes et dont les visiteurs vont parler encore. Même lorsque les bureaux de la Marrakech Biennale ne seront plus là ! En effet, il s’agit de la dernière année où Lblassa va abriter les bureaux de la Biennale. Et, certes, Lblassa ne va plus servir – a priori – de lieu culturel pour la ville mais sa mémoire marquera encore longtemps l’histoire de la ville et les esprits.