Pallett. l’Iran se met à l’heure gypsy

Crédit : pallettband.com

Derrière un Iran présenté comme conservateur, il existe d’autres facettes de ce pays en profonde mutation. Pallett illustre bien cette transition artistique de la scène artistique perse.

Depuis 1979 et la révolution islamique, les médias tendent à nous proposer une vision très noire de l’Iran. Pourtant, depuis cette époque, la société locale s’est radicalement transformée. Passant d’un Iran plutôt rural et pauvre à un pays urbain, jeune et moderne sur de nombreux points. Le groupe Pallett est un des nombreux exemples de cette jeunesse en pleine expansion, poussant progressivement les limites imposées par l’élite politique.

Tout commence lorsque Omid et Hesam se rencontrent lors de concerts pour l’organisation caritative Mahak en 2010. Au cours de ces échanges musicaux, l’idée de former un groupe ensemble s’impose d’elle même aux artistes. Ils commencent alors à répéter pour créer une fusion musicale de styles, véritable « palette » de couleurs. Le résultat de cette fusion musicale donne un style combinant musiques persanes, jazz manouche et rythmes sud américains et pop.

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Pour comprendre le style de Pallett, il faut plonger dans l’éducation musicale iranienne, où se côtoient deux types de cursus, d’un côté un parcours de musique classique et de l’autre une voie plus occidentale. Le groupe est le résultat de la formation classique iranienne influencée par de nombreux artistes étrangers, passant de Radiohead aux musiques des Balkans. La musique du groupe est clairement inspirée par les sonorités populaires traditionnelles de l’Est de l’Europe avec, néanmoins, une vocalisation très iranienne assurée par le chanteur Omid Nemati. Ce dernier déploie des techniques vocales et un style d’écriture très commun dans la musique en Iran. Il utilise tour à tour la puissance symbolique et les métaphores que l’on peut trouver chez le grand poète persan Hāfez (14e siècle) et chez d’autres grands noms de la poésie du pays.

Le collectif arrive à se produire en concert sans grands problèmes, car malgré de nombreuses restrictions, Pallett arrive à jouer des règles du régime. Ils ajoutent à un style européen, des paroles venant des mélodies classiques iraniennes, ce mélange de styles permet de ne pas donner de prétexte à la censure. Et ainsi de s’émanciper petit à petit du politiquement correct local.

Des interdictions absurdes

Pallett fait sensation en janvier 2014 en montrant l’absurdité des règles de censures édictées par la télévision publique, l’Islamic Republic of Iran Broadcasting. Le groupe a alors ridiculisé les règles de l’institution qui interdisent l’apparition des instruments musicaux à la télé en jouant avec des instruments imaginaires dans l’émission Radio Haft (Radio 7). A la télé iranienne, jouer d’un instrument à la télévision est totalement prohibé. Aussi fou que cela puisse paraître, quand des concerts sont diffusés à la télévision, les musiciens sont remplacés par des fleurs, des chutes d’eau ou des paysages.

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Ces règles de « bonne morale » sont violemment critiqués par les musiciens et le milieu culturel, qui dénonce une hypocrisie généralisée régnant dans les arts. Des interdits qui semblent baroques pour une part croissante des Iraniens. La performance du groupe a été bien accueillie par les jeunes. Un acte considéré comme intelligent et drôle pour défier le statu quo en vigueur.

La liberté de ton de ce groupe rappelle celui d’autres chanteurs au Moyen-Orient, à l’image de Mashrou’ Leila. Pallett cite d’ailleurs ce dernier comme une des sources d’influence venant du monde arabe au même titre qu’Ibrahim Maalouf. Un réveil musical est de plus en plus perceptible au Moyen-Orient, voyant l’apparition d’un courant créatif, libre, coloré mélangeant global et local. Le dernier album du groupe, Mr Violet, est un bijou. Il reflète tout le potentiel du groupe, un arc-en-ciel musical d’une intense créativité, un concentré de musiques issues du répertoire turc, kurde, latino et un jazz finalement terriblement iranien.

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