Le temps d’une rencontre, Alger est le carrefour des idées nouvelles, la croisée des trajectoires. C’est un beau monde qu’a réuni La Rencontre d’Alger au MAMA, venu des quatre coins de la planète pour un objectif : rêver la ville et la faire rêver. L’événement s’inscrit dans le projet Djisr El-Djazair, une aventure algéroise entreprise par de jeunes architectes algériens, dans un esprit citoyen, pour imaginer et fabriquer Alger du futur. Rêve, optimisme et vivre ensemble.
La Rencontre d’Alger – Une journée pour rêver et réinventer la ville
Samedi 26 janvier 2019, Alger est aujourd’hui le lieu où il faut être. Le rendez-vous est donné au MAMA – Musée National d’Art Moderne et Contemporain, pour assister à l’événement-débat, intitulé La Rencontre d’Alger, Vers un (nouvel) Urbanisme Disruptif. Pour s’y rendre, nous prenons le métro, direction la la grande poste. Nous sommes dans le cœur historique de la ville, où nous retrouvons Alger telle que nous la connaissons : Blancheur éclatante, soleil au Zenith et la mer en toile de fond. Tous les éléments sont là, le récit est le même : nous traversons les séquences urbaines, sous lesquelles Alger défile, pour arriver au MAMA. Nichée dans un grand bâtiment néo-mauresque, il s’agit de l’ancien grand magasin des galeries de France, reconverti en musée. A l’entrée, une belle énergie nous emporte. Ici, le récit prend une tournure nouvelle : Alger révèle des airs du futur.
Dans cette rencontre, Alger sera à la fois l’objet et la toile de fond, pour aborder les thématiques sur la ville de demain. Le débat émane du constat suivant : devant les changements que connaissent nos sociétés, avec l’accélération des moyens de communication et des nouvelles technologies, nous devons explorer de nouvelles manières d’approcher, de penser et de fabriquer la ville. Par ailleurs, La rencontre s’inscrit dans le projet Djisr-El Djazair (le pont de l’Algérie) : un projet utopique développé autour de la baie d’Alger, entrepris par une jeune couple d’architecte algérois : Nacym et Sihem Baghli. Il s’agit aussi de la cérémonie de remise des prix du concours Algiers20xx, lancé pendant le projet.
L’idée est de repenser Alger avec toutes les personnes qui le souhaitent, pour la préparer aux années futures. – Sihem Baghli
La Rencontre d’Alger au MAMA © Djisr El-Djazair
L’événement a donc réuni un public large : membres du jury, lauréats du concours, représentants de la ville d’Alger et de la société civiles, universités, écoles etc. Parmi les intervenants, on retrouve de grands noms dans les domaines de l’architecture, de la sociologie etc. à savoir Hou Hanru, Stephen Zacks, Pippo Ciorra, ainsi que Rem Koolhaas (invité d’honneur qui a malheureusement dû d’absenter), mais aussi des architectes algériens tel que Halim Faidi, Larbi Merhom, Yasmine Terki, Samia Henni, Gasmi Issiakhem.
La rencontre s’est structurée autour de quatre panels. D’abord, la ville a été questionnée à travers l’angle de l’architecture, l’urbanisme et la sociologie. Les outils d’urbanisme sont-ils toujours d’actualité ? Faut-il explorer de nouvelles manières pour faire la ville ? La mise en œuvre des grands projets stratégiques devant explorer les avancées en engineering, en technologie et en finances, fut abordée dans le deuxième panel. Dans un troisième temps, le débat a soulevé les questions de l’environnement, du développement durable et de la jeunesse. Les réponses d’une ville durable doivent être puisées du patrimoine. Pour imaginer la ville de demain, il est nécessaire de connaitre notre ville avant de dessiner celle du futur, et ne pas importer des modèles. Enfin, le quatrième panel a soulevé le rôle des arts, du design et des médias à véhiculer la créativité urbaine.
La Rencontre d’Alger au MAMA © Djisr El-Djazair
Le projet Djisr El-Djazair : La Baie d’Alger 2.0
Djisr El-Djazair – Le pont d’Alger – est un projet utopique imaginé pa Sihem et Nacym Baghi : un jeune couple d’architecte algérois, portés par l’optimisme et un grand amour pour leur ville. C’est un projet qui se veut social avant tout, mené dans une démarche participative et citoyenne. L’idée ? Un pont qui traverserait la baie d’Alger. Il s’agit d’abord d’un pont-concept, avant d’être une infrastructure, qui permettra de créer une passerelle entre les deux extrémités de la ville. Le pont, à la fois routier et ferroviaire, offrira une expérience nouvelle de la baie, limite infranchissable, que l’on pourra à présent contourner, traverser et vivre. Il permettra ainsi de prolonger ce rapport obsessionnelle de la mer, à Alger, et d’admirer la ville dans l’autre sens, à partir de la mer. Par ailleurs, celui-ci permettra de désenclaver la partie est, en décongestionnant la circulation routière. En traversant la baie, sous forme de croissant de lune, le pont viendra donc fermer la boucle en aspirant l’énergie du cœur historique, tout en insufflant un dynamisme nouveau.
Il s’agit d’un pont, d’abord subliminal, qui permettra de créer des liens et d’admirer la ville, de réconcilier Alger d’hier et de demain – Nacym Baghli
Pour se faire, le pont est pensé comme une matrice. Il suit une forme d’Y, avec trois points d’attache sur terre, liant l’est et l’ouest de la ville. Les points d’ancrage sont: El Marsa, El Kettani, le Jardin d’essai. Dans la mer, le pont est ponctué de points qui constituent des îles flottantes. Ces îles artificielles abritent des lieux de promenades, stations de métro, et tramway. L’idée serait aussi de développer un smart Bridge, en faisant appel à des développeurs d’application, pour élaborer des algorithmes permettant d’éviter l’encombrement du pont. Ainsi, le projet Djisr El-Djazair s’impose comme un nouvel acte fondateur, qui permettra de faire rayonner Alger dans le bassin méditerranéen et l’ouvrir vers de nouveaux horizons.
Vue satellite fictive sur le pont Djisr El-Djazair Alger © Djisr El-Djazair
Algiers20xx : un projet participatif avec les citoyens pour ré-imaginer la ville
Djisr El-Djazair se présente dès le départ comme un projet de société, avant d’être un projet urbain et architectural. Après la réflexion, l’idée est de créer un projet interactif qui fasse intervenir les citoyens de différents profils. Leur donner la parole, afin de comprendre leurs besoins, leurs modes de vie, mais aussi estimer la diversité de la société. La ville appartient à tous : chaque personne fait la ville et contribue à son échelle au vivre-ensemble. Cette interaction avec le grand public s’est faite à travers des événements et des débats, organisés à la librairie l’Arbre à dire, à l’EPAU (Ecole d’architecture d’Alger), mais aussi à travers le concours international Algiers20xx, lancé par Nacym et Sihem. Nassim Bala, architecte et participant au concours, affirme :
Ce sont les gens qui font la ville, ce ne sont pas les architectes, ni les urbanistes et les sociologues. L’avantage de ce concours, c’est que l’on peut imaginer la ville à travers la perspective de khalti yamina, qui prépare lkessra, ou celle de boualam le pompier.
Le concours d’idées Algiers20xx a donc été lancé aux jeunes étudiants et architectes de moins de 30 ans. Au total, 400 participants inscrits de 55 nationalités différentes, devant un jury international inédit, présidé par l’architecte de renommée mondiale Rem Koolhaas. Le sujet ? Ré-imaginer Alger selon la perspective du projet Djisr El Djazair, à travers les discipline architecturale, artistique, littéraire.
Sihem et Nacym Baghi, initiateurs du projet © Djisr El-Djazair
Alger lance le relais aux métropoles mondiales
Aujourd’hui, Alger est un territoire en devenir. La réhabilitation de la Casbah, confiée récemment à un architecte français, a suscité une vive polémique. Face à son riche héritage historique, parfois problématique, la métropole méditerranéenne est aujourd’hui au cœur du débat architectural et urbain. Comment héritons nous du patrimoine aujourd’hui ? Que représente-il pour les algérois ? Quel héritage allons-nous produire pour le futur ?
Le projet Djisr El-Djazair, par son audace, s’expose effrontément à la critique et vient brusquer les algérois dans leur rapport envers le passé et la mémoire. Certains y voient une défiguration de la baie. Que l’on adhère ou pas, le projet a le mérite de susciter un débat autour de la ville et de secouer les esprits. Alger a d’ailleurs représenté dans l’histoire un champ d’expérimentation architectural et d’utopie. Ces projets utopiques sont d’un grand intérêt, et rappellent le rôle de l’architecture, au-delà du construire, qui est celui de produire une pensée.
Tout ce qui peut susciter l’intérêt autour d’Alger est positif – Nacym Baghli
Djisr El-Djazair, c’est le début de quelque chose de nouveau qui va s’inscrire dans le futur, selon Nacym. Ainsi, la finalité du projet n’est pas Alger, l’idée étant de reprendre l’initiative ailleurs dans le monde avec Yourcity20xx. Après Algiers20xx, la capitale algéroise lance le défi aux autres villes dans le monde. Verrons-nous prochainement Casablanca20xx, Tunis20xx ?
Quand quelque chose se passe à Alger, forcément ça devient contagieux. Alger, c’est la promesse