Derin (Pinar Derin Gençer sur sa carte de visite) est artiste, conservatrice, et médecin. Elle fonde la première Istanbul Performance Art en 2015, pour donner sens au corps féminin. Arts visuels, photographie et performance sont ses médiums principaux. A travers ses travaux, elle sollicite la relation de l’humain à la nature, à l’espace et l’architecture. Rendez-vous au SALT Galata, espace d’expositions et d’événements sur l’actualité artistique au coeur d’Istanbul.
Art et controverse
Les discussions autour de l’art et des féminités ou féminismes s’imposent naturellement. On évoque la performance WhOman (2015) avec Margaux Aubin, artiste française exilée sur une île stambouliote. Derin et Margaux exposent avec audace la question du harcèlement féminin à travers une mise en situation adéquate: Derin s’applique à raser les cheveux de Margaux, symbole de sexualité et objet de convoitise dans les religions. Les femmes sont-elles coupables de leur pouvoir attractif ? Et si ressembler physiquement à un homme leur permettait enfin de devenir leur égal ?
Les réactions du public divergent, selon les deux performeuses. Intriguées, encourageantes, touchées. L’enjeu n’est pas assimilé pour tout le monde dans cette rue très animée d’Istiklal. Pourtant, l’intention est claire: il s’agit de casser les codes féminins générés par les pensées conservatrices. Au-delà du clivage, Derin tente de parler à tout le monde.
Bâtir un enclos d’infinitude
Sur le campus de l’université d’Eskişehir, l’artiste laisse exploser l’énergie des corps de la jeunesse turque. Une véritable prise de conscience de soi et de son environnement, sous réserve de détachement et de liberté. Le tout sous couvert d’anonymat. Derin nous explique que la situation est loin d’être simple en ce qui concerne l’art performatif. Chaque performance est réalisable sous contrôle autoritaire policier, et chaque idée politique y est filtrée.
Il faut donc créer ses propres délimitations. Derin évoque les similitudes entre art et architecture, étroitement liés dans le domaine de la performance. Il en réside une conception de l’espace dédié à la liberté de l’artiste. Burçak Konukman, artiste local, est membre de l’International Performance Association depuis 2014. Selon lui, la performance provient de n’importe quelle inspiration quotidienne, qu’il retranscrit à travers ses installations vidéo et performances. Ses premiers travaux consistent en une approche spécifique de l’espace et de ses possibilités. Actuellement basé à Berlin, il enrichit son travail d’artiste par la performance théâtralisée.
L’art contemporain et ses galeries prennent de l’ampleur en Turquie. Et dégorgent d’artistes protéiformes. Mais l’identité de la performance n’avait pas encore éclos. Derin l’a nommée Istanbul Performance Art. Elle s’applique actuellement à animer des conférences sur l’art en Turquie. Istanbul Performance Art a participé à la Stockholm Independent Art Fair en avril 2018. Des performances nécessairement en contradiction avec la mouvance politique actuelle. Mais la fixité n’est pas de mise à Istanbul, cité gigantesque où tout reste à explorer.