Hizam, le cinéma comme lumière sur un féminin vivant

Assia Guemra et son élève

Pour ce film-documentaire aux contours éclatés sorti en 2016, Hamid Benamra décide d’apprivoiser une danse avec sa caméra. Ce sont seize années de patience, d’attente et d’appréciations tissées d’un œil sensible et aiguisé qui ont permis de faire naître ce récit libre d’une ceinture autour du ventre des femmes.

Du karaté à la danse orientale et contemporaine, cette ceinture d’un souffle aérien fait frémir dans ce documentaire original le lien suprême du soi et de son expression par la générosité de l’art. On pose le regard sur les gestes chorégraphiques d’Assia Guemra qui tient le fil rouge. C’est une comédienne de chaque instant, championne de karaté et figure parisienne de la danse baladi.  Elle est aussi au centre de quelques envolées philosophiques durant tout le film. Imbrications de plusieurs histoires, Hizam donne la parole à une dizaines d’autres danseuses et à la mélancolie douce de Mohamed Malas, lui qui danse à sa manière, avec les syllabes.

La caméra, les corps et les mots semblent se libérer par un mouvement commun, se subliment les uns en miroir des autres, narguent les stéréotypes de genre. Les danseuses, qui sont souvent érotisées à l’excès sur les écrans, retrouvent une certaine complexité. Préférant bâtir son féminin dansant dans un parti pris magnifiquement poétique, le réalisateur converse avec les personnages du film sous la forme d’ « entre-siens » , d’une approche au cœur de l’intime sans calculs inutiles qui permet de saisir la conquête d’un rapport à la vie et au monde artistique. Il permet aussi de montrer les liens tissés par les femmes entre elles à travers la danse, liens faits d’intimité, de présence au monde et au moment présent.

Tantôt à bousculer, tantôt à bercer le spectateur par des plans fractionnés, on entre avec Hizam dans un rêve de folie créatrice aux multiples rythmes et ambiances musicales, dévoué aux gestes d’Assia. Elle qui souligne l’importance du port de tête en déplorant nos têtes baissées sur nos smartphones qui isolent les individus.

Le sujet principal du film n’est pas l’apprentissage de la danse mais un film sur la frontière entre la vie et la mort. Il s’ouvre avec le poème de Darwich :

La mort comme moi s’amourache brusquement et comme moi, elle n’aime pas attendre .

D’entrée, le spectateur se trouve devant la quête de l’instant. Hizam n’a pas la prétention de tout dire sur le mouvement ni sur le féminin, c’est un cinéma qui contemple la danse et nous invite à la contempler avec lui. C’est aussi le regard masculin qui découvre le féminin. Le cinéaste ayant le mérite de ne pas prendre de l’espace aux femmes mais de les montrer ouvertes à un horizon des possibles toujours infinis.

 

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