L’exposition Tenderness de l’artiste franco-iranienne Hanieh Delecroix est présentée à la Galerie Mamia Bretesché, à Paris. Ce véritable hymne à la tendresse et à l’être sera ouvert au public jusqu’au 30 octobre 2016.
Suite à sa participation à l’exposition collective Du point à la ligne en mai dernier, l’artiste franco-iranienne Hanieh Delecroix récidive – seule cette fois ci – avec Tenderness.
Parler d’Hanieh Delecroix c’est parler du bleu, couleur fétiche de l’artiste. Un bleu qui imprègne tout son travail et qui n’est pas sans rappeler la couleur symbolique de la Perse, et particulièrement d’Ispahan, cette « ville d’émail bleu » comme l’écrivait Pierre Loti dans Vers Ispahan en 1904, à propos de ce joyau incontournable du centre de l’Iran.
L’Iran, c’est justement le pays d’origine de cette artiste qui se revendique fièrement bi-culturelle. Arrivée en France à ses trois ans, Hanieh Delecroix n’en n’est pas moins iranienne. Une double culture qui se reflète dans son travail et dans lequel elle joue avec les mots, mêlant sans cesse français et persan.
Avant de se consacrer à l’art, Hanieh Delecroix a exercé pendant des années en tant que psychologue et thérapeute clinicienne après des études de psychologie entre l’Université Paris X Nanterre et celle de Surrey, en Angleterre avant de rejoindre les Beaux Arts de Paris. C’est dans ce parcours éclectique qu’elle puise pour réaliser ses œuvres d’art où l’esprit et le corps sont omniprésents.
D’ailleurs sa première exposition présentait sa série Toi-peau en référence à la théorie psychanalytique du Moi-Peau de Didier Anzieu, qui accorde une place majeure à la peau comme enveloppe du corps.
Le bleu et le noir, puis le blanc
C’est avec le bleu et le noir qu’Hanieh Delecroix a commencé a travailler. Deux couleurs comme deux personnes, comme le patient et son thérapeute ou encore comme le corps et l’esprit. Le noir symbolise également pour l’artiste un événement douloureux et la souffrance qui se mêle à la personne. Au départ le bleu qu’elle utilisait était très foncé, presque impossible à distinguer du noir comme si la souffrance pénétrait tout l’être.
Mais peu à peu, son bleu s’est nuancé pour faire la place à des teintes diverses du cobalt à l’outremer, en passant par le céruléen. Le blanc s’est lui aussi fait une place dans son travail, un blanc qui éclaire ses tableaux et dans lequel Hanieh Delecroix décèle une référence à l’écriture blanche de la psychanalyse.
Ses bleus, noirs et blancs se posent ainsi sur du papier, le support privilégié de l’artiste. Parfois déchiré, froissé, meurtri, sous l’acrylique d’Hanieh Delecroix, le papier devient peau. Un support fragile, pour des œuvres puissantes qui, malgré leurs stigmates, sont toujours esthétiques.
Un message que l’artiste adresse à l’être humain, vivant et fort, malgré ses cicatrices. Et c’est peut-être ça la tendresse d’Hanieh Delecroix.
Tenderness
La tendresse. C’est le titre qu’elle a choisi pour son exposition, en référence à l’attachement d’une mère pour son enfant dont Hanieh Delecroix est spécialiste. Cette exposition est comme une balade au fil de son parcours artistique depuis 2013.
Le travail d’Hanieh Delecroix est empreint d’une véritable unité et d’un style identifiable. Des bleus, du noir et du blanc, des aplats de couleurs et aussi de l’écriture, beaucoup d’écriture. Une écriture en français ou en persan, qui captive immanquablement le regard, au delà-même du sens.
L’œuvre la plus remarquable de cette exposition est sans doute Chuchotements. Un cahier japonais Moleskine, souvenir de son parcours d’étudiante, dans lequel l’artiste a noté les chuchotements d’une femme enceinte. Des mots, comme des murmures, ponctués par des œuvres miniatures.
Dans cette exposition, la plume de l’artiste se mêle à des mots empruntés à d’autres. Comme par exemple à la poétesse anglo-égyptienne d’expression française Joyce Mansour, dont Hanieh Delecroix a retenu seulement les mots tendres, doux ou affectueux, comme pour panser les blessures et les souffrance de cette poétesse aux écrits à la fois puissants et tourmentés.
« Tu regardes quoi ? Je savoure l’instant » avec ce dialogue, tiré d’une autre de ses propres œuvres, Hanieh Delecroix nous parle d’Omar Khayyām. « C’est exactement ça Omar Khayyām » nous dit-elle. Un écrivain et savant iranien à qui elle emprunte également quelques mots dans ses tableaux.
Demain peut-être, la plus grande pièce de l’exposition, elle, fait résonner le mot « amoureux » en persan, qui se répète à l’infini, dans une écriture volontairement naïve, croisant parfois l’expression discrète « mon souffle » également écrite en persan.
Sur un quadrillage, c’est le mot « apprenons » qui est écrit cette fois, toujours en persan, dans un sens qui renvoie à l’expression « tirons-en une leçon », comme nous l’explique Hanieh Delecroix. Une œuvre qui a une résonance toute particulière pour l’artiste qui, au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, a reproduit à plusieurs reprises, comme une nécessité, la série dont fait partie ce tableau.
Tapesh ou À travers toi, toutes deux réalisées en 2014 sont peintes sur du lin filé sur papier. Une double matière qui renvoie à la notion de « souvenir écran » en psychanalyse et dont le lin filé rappelle la gaze utilisée en médecine qui fait directement écho à son passé de clinicienne.
« Ne lutte pas contre cette puissante attirance. Laisse-toi guider par elle. Pleinement. » Chuchotements, Hanieh Delecroix.
Une exposition à découvrir jusqu’au 30 octobre à la galerie Mamia Bretsché, 77 rue de Nazareth, 75003 Paris.