Huit ans après le début des dits « printemps arabes », l’heure est au bilan. Qu’en est-il de la nouvelle génération? Que sont devenus les rêves et aspirations de cette jeunesse qui criait hier dans les rues ?
Autant de questions soulevées par Génération What, un programme transmédia qui interroge les jeunes de huit pays méditerranéens sur des sujets liés à la culture, la société ou la politique. De Tunis au Caire, en passant par Beyrouth et Amman, une initiative afin de découvrir ce que veulent les jeunes.
Le jeunes n’ont jamais été aussi éduqués et connectés que dans la société mondialisée actuelle. Mais que veulent vraiment ces nouvelles générations qui sont les clés du monde demain ? C’est la question que se pose l’Union Européenne lorsqu’elle lance en 2016 le projet Génération what ?; une plateforme web installée dans 14 pays européens et territoires français d’outre-mer dans le but de récolter des informations sur les goûts et opinions des jeunes. Relayée par 19 diffuseurs et l’Union européenne de radio-télévision (UER), l’opération a rassemblé un million de participants à l’enquête, et plus de 83 millions de réponses. Un succès qui a conduit le projet à s’étendre au delà de la Méditerranée.
8 ans de printemps arabes, 8 pays et 8 sites internet
Depuis le printemps dernier, c’est à travers huit sites internet déclinés dans huit pays méditerranéens que Génération What se déploie, avec cette fois-ci 167 questions conçues par des sociologues et abordant les thèmes du travail, de la famille et de l’identité nationale et culturelle.
Parmi les nations participantes, on retrouve la Libye, le Maroc, La Tunisie, l’Algérie, l’Egypte, la Jordanie, Le Liban et la Palestine.
Grâce à une base de données mise à jour en temps réel, les participants peuvent ainsi instantanément comparer leurs réponses avec celles des autres utilisateurs par état et région, sur des cartes interactives.
Soutenu par un réseau de partenaires et diffuseurs locaux, cette campagne propose aussi 21 modules vidéo dans lesquels une trentaine de jeunes représentant différents pays répondent au questionnaire diffusé sur sur le site local. Sur chaque site, les visiteurs peuvent également visionner des compilations de vidéo régionales, et comparer les réponses des jeunes de toute la région.
La campagne s’achèvera par la publication d’un rapport sur la jeunesse de chaque pays et de toute la région afin de générer le débat au sein de la société.
Une conception de l’identité arabe et un bilan des révolutions contrastés
Si tous les pays arabes s’accordent sur des questions liées à la volonté de créer une union arabe et à l’ouverture des frontières pour tous, en revanche tous ne partagent pas la même vision des printemps arabes. Alors que la majorité des jeunes égyptiens considèrent leurs conséquences positives (72%), la Tunisie, le Liban ou encore Jordanie estiment ses conséquences négatives. Paradoxalement, ce sont les des jordaniens (avec 72 % de réponses négatives) qui se sont montrés le plus critiques envers les révolutions, alors qu’ils n’ont pourtant pas été directement impliqués dans les manifestations. Quant au Maroc, les jeunes trouvent que rien n’a changé a 46% contre 40% d’opinions négatives.
Malgré tout, les jeunes arabes continuent de penser que les révolutions portent en elles un espoir, à l’exception des algériens et palestiniens qui y voient une conspiration venue de l’étranger.
Sur le sujet de l’identité arabe, alors que les palestiniens estiment le fait d’être arabe comme l’appartenance à une communauté qui dépasserait les frontières, la Jordanie renvoie ce concept à celle d’une culture commune, quand le Maroc (30%), La Tunisie (34%), l’Egypte ou le Liban (41%) pensent qu’ils ont leur identité propre.
Lisez les résultats de notre propre enquête à ce sujet ici
Tous se sentent malgré tout arabes, sauf les jeunes libanais, chez qui l’identité phénicienne est souvent revendiquée par opposition à l’arabité.
Vidéo sur le site libanais des réponses sur le thème « monde arabe ».
Les livres: condition du bonheur unanime des jeunes arabes
Concernant la culture, sujet cher à notre média, certains clivages se font également ressentir selon les pays.
Alors qu’en Palestine, au Maroc et en Algérie, les jeunes déclarent majoritairement pouvoir être heureux sans Internet, 53% des Jordaniens, 69% des Tunisiens, 55 % des égyptiens et 63% des Libanais disent ne pas pouvoir s’en passer.
Une réalité que l’on retrouve aussi chez beaucoup de pays européens, à l’exception de l’Espagne, de l’Allemagne, de l’Italie et de beaucoup de pays d’Europe de l’Est comme la Slovénie, la Bulgarie, ou encore la Roumanie chez qui Internet ne semble une condition au bonheur.
Concernant le cinéma, au Maroc, en Algérie et en Jordanie, la majorité des jeunes ont répondu pouvoir vivre heureux sans cinémas, films ou même séries télévisées, opinion non partagées par leurs voisins tunisiens, égyptiens et libanais.
Paradoxalement, tous déclarent pouvoir être heureux sans télévision (sauf en Egypte), mais pas sans téléphones portables.
Aucun des pays méditerranéens sélectionnés serait heureux sans livres et musique, à l’exception de l’Algérie qui répond pouvoir vivre sans musique à 56%.
Une enquête en cours
Si l’initiative peut séduire par sa volonté de dresser un portrait de la jeunesse des pays arabes, les chiffres restent à prendre avec des pincettes et le nombre de répondants est, pour l’instant, assez disparate selon les questions. Les options de réponses qui sont proposées ne révèlent pas toujours la complexité de leurs questions et les résultats obtenus sont parfois superficiels.
Sur certains sujets liés à la confiance des jeunes dans les institutions par exemple, les questions traitées sont intéressantes mais l’inégalité des résultats comme pour l’Egypte qui n’a pas répondu aux questions relatives à l’armée (ce qui peut se comprendre étant donnée la forte répression du régime), laisse finalement l’enquête relativement partielle.