Sorti le 13 novembre dernier, El Mordjane (« Le corail »), dernier album de Sofiane Saidi, propose un voyage musical contemporain. Figé dans un corps de cire, les yeux tournés vers le ciel sur sa pochette d’album, ce musicien algérien est pourtant un artiste du mouvement.
De Sidi Bel Abbés à Paris : un parcours musical riche
En concert ce 7 avril 2016 sur la scène du Canal/Jemmapes, Sofiane Saidi est entouré de musiciens de talent tels que l’excellent Maamoun Dehane à la batterie (Cheb Khaled) ou Tim Whelan au clavier et machines (fondateur du groupe Transglobal Underground). Il occupe la scène et fédère un public déjà fidèle, composé aussi bien de jeunes trentenaires en quête de découverte artistique que d’amateurs de raï plus avertis.
Né dans l’ouest algérien, à Sidi Bel Abbés, baigné dans le tumulte des années noires parfois au péril de sa vie, il arrive en France où il se construit dans l’aventure et l’effervescence des cabarets orientaux des années 90. De son expérience personnelle, de ses nombreuses rencontres et collaborations musicales – comme avec Natacha Atlas, Smadj, Tim Whelan, etc. – il tire cet album talentueux. Ouvrage coloré, remarqué à sa sortie sur la scène musicale actuelle, le travail de l’artiste témoigne d’une liberté artistique affirmée et d’une capacité à naviguer d’une rive à l’autre. Le chanteur, compositeur et interprète à la voix grave et écorchée y explore, avec une douce gravité, la multiplicité des sentiments.
Entre tradition et modernité, un univers musical dense
Marqué par une approche sensorielle certaine et teinté de l’imaginaire maritime, El Mordjane parle de vie, d’amours perdus, de l’expérience de l’attente. La figure féminine, tantôt mère, femme aimée, haïe, ou encore sirène, constitue un point d’ancrage central. Tout autant, peut-être, que les réminiscences du pays natal. Qu’il s’agisse des extraits sonores d’ambiances urbaines dans Al Jazaïr l’île Interlude, ou encore d’Al Jazaïr Black out, véritable immersion aquatique dans la réalité difficile d’une l’Algérie en guerre (celle, par exemple, qui tua le chanteur Cheikh Raymond à qui la chanson rend hommage), la mémoire est centrale.
Recherche de soi et recherche musicale, les deux font la paire lorsque les textes s’accordent à une expérimentation fine et décomplexée. Fusion des genres, la musique de Sofiane Saidi revisite le Raï, la tradition des comédies musicales égyptiennes et les mélange à des riffs de rock’n’roll, de l’électro anglaise ou même des solos jazz au piano, le tout dans une remarquable exploration rythmique.
En jongleur averti, Sofiane Saidi explore une diversité d’univers et propose, à la manière du corail, une multitude de ramifications questionnant, avec authenticité, la dimension hermétique du genre musical.
Site internet de Sofiane Saidi
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