Plus un artiste tente une franche réflexion sur la condition humaine, plus son travail en devient conflictuel et paradoxal. C’est pourquoi la musique d’El Morabba3 est euphorique et délicieusement sombre ; ça remplit d’allégresse, d’esprit dionysiaque, tandis que les paroles s’écrasent comme des vagues de réalité intense et de vérité emphatique. Des paroles que nous pouvons lire sur le site d’El Morabba3, un groupe qui mérite son nom.
Quatre jeunes Jordaniens unis par les liens sacrés du sang et du sens formaient une fenêtre sur la réalité. Le groupe s’annonçant comme tel, par la pochette d’un premier album très représentatif de leur philosophie, ne pouvait être porteur de moralisme. L’art, peut être une volonté de savoir et d’affronter un monde, et non son double. L’art doit être libre de tout fallacieux métaphysique ou religieux qui n’est utile qu’en réponse à la cruauté d’un monde hasardeux et incompréhensible.
Plutôt la vie que sa copie. Plutôt un art qui parle d’ironie et d’uranium que d’écrire des traités sur la Fitna qui ne font que blâmer secrètement la vie. El Morabba3 est un auteur pour qui le social, le politique et l’économique n’est qu’un prétexte, l’expression d’un réel étant le but ultime. Le groupe peut être vu comme le produit d’un choc de cultures individuelles. Tareq Abu Kwaik et Muhammad Abdullah, tous deux cousins, rappeurs et compositeurs, auxquels El Morabba3 doit son image cynique et réaliste, ainsi que la majorité de ses textes. Les frères Shawagfeh, Dirar et et Odai sont l’édulcorant, le rêve, la touche étrangère, occidentale. El Morabba3 représente la dualité de l’art en un seul artiste, l’apollinien et le dionysiaque, la forme et sa dissolution, le réel et son ivresse. Le groupe évolue depuis 2009, Tareq Abu Kwaik suit en parallèle une carrière de rappeur à sa maturité sous le nom d’El-Far3i dont nous parlerons sans doute plus tard.