El Foukr R’Assembly – l’Algérie , cette africaine

Nous avons rencontré les membres d’El Foukr R’Assembly lors de notre étape à Constantine, « ville des aigles » dont l’histoire remonte à l’antiquité, cité de ponts reliant des quartiers édifiés à flancs de falaises verdoyantes, ville aux rues escarpées entre de tristes bâtiments coloniaux. El Foukr R’Assembly est un groupe de quatre musiciens et un journaliste voulant tisser des liens entre l’Algérie et l’Afrique subsaharienne à travers la musique et l’image. El Foukr s’est rendu cette année en Ghana. Oualid Khelifi, Amine Lehchili et Labib Benslama, tous les trois de Constantine, nous racontent leurs inspirations, leurs projets et leur vision de l’Afrique.

Naissance d’un projet culturel panafricain

El Foukr est l’histoire de trois musiciens algériens, deux de Constantine et un de Béchar, partis l’année passée pour Djanet, avec un journaliste documentariste de Constantine. Là-bas, ils rencontrent un musicien algéro-nigerien, mi-touareg, mi-houassa, avec qui ils enregistrent six titres et un documentaire. Ce projet visant à relier l’Algérie au reste de l’Afrique est un succès, ils remontent avec un album gorgé de musiques soufi, raï, électro, houassa, targui et une expérience humaine unique avec des touaregs. Après cette aventure ayant eu lieu en 2014, El Foukr s’est retrouvé cette année au Ghana pour une cession qui a donné lieu à de nouveaux échanges musicaux, concerts et documentaire produits de manière entièrement indépendante.

Oualid explique s’être lancé en raison de sa frustration de voir l’Afrique subsaharienne délaissée économiquement et artistiquement par les maghrébins, en plus du racisme et de la xénophobie qui sévissent dans le pays à l’égard des noirs africains. Il est convaincu que le Maghreb est touché par ce qui se passe dans le reste de l’Afrique, comme au Mali ou au Nigéria, mais que les diplomates et les intellectuels n’en sont pas conscients. Il souhaite que les africains saisissent l’occasion, qui ne s’était pas présentée dans le passé, de raconter eux-mêmes leur histoire. «  En Côte d’Ivoire, il y a des gens qui nous considèrent comme des extrémistes, et ici on les considère comme des sauvages. » dit-il pour résumer certains points du vue caricaturaux. On comprend qu’il souhaite briser l’image négative des subsahariens en Algérie. De plus, il nous explique avoir eu une grosse couverture médiatique à travers le monde, mais que les médias algériens ont été les derniers à s’intéresser au projet. Parlant d’El Foukr il déclare : « On ne fait pas de discours, on produit. Écoutez, regardez. »

Tourner le regard du nord vers le sud

La démarche de ‘’résistance culturelle’’ d’El Foukr s’inscrit dans une approche engagée vis-à-vis de l’histoire et de l’état actuel des relations entre africains. « On a cru que l’Occident était le modèle qui allait améliorer notre mode de vie. Mais il y a des aspects anthropologiques et musicaux qui n’ont pas pu changer. » Oualid explique retrouver des pratiques animistes communes enfouies dans les coutumes des nord-africains comme des ouest-africains, tels que le grigri et certaines superstitions, qui resurgissent fréquemment malgré les identités monothéistes majoritaires dans leurs pays.

© Oualid Khelifi

© Oualid Khelifi

Au contraire, il considère que l’identité arabe du Maghreb n’est pas tant enracinée dans l’histoire mais plutôt instrumentalisée par des influences du Moyen-Orient. « On est arabes, maghrébins, africains, nord africains, méditerranéens. La dimension dont on parle le moins et dont on a peur est la dimension africaine. » ajoute-t-il.  Selon Oualid, le Maghreb a été associé aux arabes par les européens en partie parce que « c’était fashion à l’époque de l’orientalisme ». Il ajoute que pour comprendre cette notion ‘’arabe’’, complexe et multidimensionnelle, il faut parler des questions linguistiques. Amine rappelle les forts liens linguistiques de la darija avec le reste du monde arabe puisque les algériens utilisent au quotidien certains mots compréhensibles dans tous les pays arabophones.

Actuellement, El Foukr est en train de mixer son second album et de préparer sa tournée, toujours avec l’esprit d’élargir les conceptions africaines à travers la musique et les images. Cette année, c’est donc une rencontre ghanéo-algérienne qui est à l’origine de l’album à venir.

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