La pièce de théâtre Djihad, qui a triomphé chez nos voisins belges, entame sa vie française dans une société traumatisée par les attentats récents et une campagne présidentielle résolument focalisée sur les musulmans.
Djihad. Le mot est devenu familier. Terrorisme, intégrisme, attentats. Ceux-là aussi. Ils sont généralement associés à une succession d’experts qui écument les plateaux télé et saturent la bande FM. Alors, quand on s’installe sur un fauteuil pendant une heure trente pour assister à Djihad, notre cœur balance. Va-t-il s’agir d’une énième tirade d’experts ou d’un spectacle estampillé produits dérivés DAESH ?
Ni l’un ni l’autre. Soulagement.
La pièce s’ouvre sur un décor minimaliste. Trois jeunes hommes, au pied d’une tour, finissent les préparatifs de leur voyage qui doit les emmener au paradis. Durant les deux premiers actes, rien ne se passe vraiment. L’envie de rebaptiser la pièce Trois bras cassés sur la route des vacances est forte. Puis, petit à petit, l’univers loufoque s’estompe. Les compères continuent leur route. Dans la salle, les rires sont plus étouffés.
Ben a laissé tomber son amour d’Elvis depuis qu’il a « découvert » que ce dernier était juif. Reda, lui, a abandonné l’amour de sa vie ; « Valérie, c’est pour jouer » lui a dit sa mère. Valérie n’est pas musulmane.
Une tirade d’Ismaël fustige la société belge (française, occidentale, etc.) qui exige avec violence l’intégration tout en discriminant quotidiennement.
Les trois candidats au djihad sont pris entre deux feux. D’un côté, une société qui les rejette. De l’autre, une communauté qui les plonge dans l’ignorance et l’hypocrisie. Pris entre ces deux murs, on se demande parfois s’ils sont maîtres de leurs propres destins. Ce sont ces moments qui paraissent un peu gênant, il faut bien l’avouer. Sont-ils de simples victimes ? « Non », répond Ismaël Saidi, l’auteur, metteur en scène et, également, interprète. « Ils font leurs propres choix » dit-il. Pour lui, l’empathie à l’égard des trois compagnons est nécessaire pour faire entrer les spectateurs dans leur univers. « Rien ne justifie leurs actes, ce sont des monstres » lâche-t-il à fin de la représentation, « mais on ne naît pas monstre » continue t-il.
Interrogé sur la simplicité, voire le simplisme, de la pièce, il explique son choix par le très large public visé :
Je voulais qu’à la fois ma maman non francophone et mes enfants puissent comprendre.
C’est réussi. Une pièce qui critique profondément, sans paternalisme ni haine, avec une vocation pédagogique indéniable.