Autrefois capitale du Maroc, la ville de Fès est aujourd’hui la deuxième plus grande ville du royaume et reste considérée comme l’un des centres culturels et spirituels les plus riches du pays. Face aux enjeux de mise en valeur de son patrimoine, des acteurs culturels se mobilisent dans la Medina.
Classée sur la liste du patrimoine universel de l’UNESCO en 1981, la médina de Fès (originellement Fes-El-Bali) abrite la Quaraouiyine, l’une des plus anciennes université du Monde fondée par Fatma el Fihriya, mais également nombre de medersa, fondouks, palais, fontaines… Le carrefour de cultures et de religions qu’a constitué Fès l’a également dotée d’un patrimoine immatériel immense (musique, littérature…) et d’une richesse de savoir-faire artisanaux.
Penser la Medina de demain
Plusieurs problématiques touchent aujourd’hui aux questions de patrimoine. Tout d’abord, il s’agit de développer des moyens de sensibilisation des habitants au bien culturel et matériel que représente la médina, mais également de réfléchir à la manière dont le tourisme pourrait s’insérer de manière positive dans le processus de développement de la médina.
Rassemblant plusieurs chercheurs marocains et internationaux, un workshop organisé en octobre 2017 par le réseau Unitwin UNESCO à l’Université Euro-Méditerranée de Fès a, ainsi, fait émerger plusieurs pistes de réflexion et d’action. L’une des conclusions majeurs de ce séminaire a été la volonté de considérer « la médina comme un espace contemporain, et pas seulement l’appréhender comme un espace en déclin marqué par un âge d’or passé entraînant un regard nostalgique ». Une menace guette : celle de voir la médina réduite à un lieu de consommation touristique et folklorique pour des populations extérieures à celle-ci.
Les solutions proposées par l’étude sont l’augmentation de l’attractivité de la médina en tant qu’espace de vie permanent mais également, une nouvelle approche du tourisme mettant en valeur l’expérience et le patrimoine immatériel vivant, allant au delà de la dimension muséale de cet espace urbain historique.
Face à ces constats, plusieurs acteurs se sont mobilisés au sein de la médina, développant des initiatives culturelles multiples au service du développement et de l’animation de la médina.
Medina Social Club et Takafes : construire un réseau culturel au service de l’art dans la Medina
Inauguré l’année dernière, le Medina Social Club est aujourd’hui porté par Mekki Bensdira. Le projet du Medina social club est celui d’une auberge artistique installée dans un riyad qui associe hébergement, restauration à un lieu culturel où sont organisés spectacles, rencontres, ou encore débats. Original, le lieu se veut un espace de vie et d’échanges ouvert à toutes et tous.
D’autres associations viennent soutenir la création artistique. C’est le cas de Takafes qui propose des résidences d’artistes, des événements musicaux, mais également des conférences-débats. Cette année, l’association a également lancé un projet autour de la Quaraouiyine. Comme le souligne Mekki Bensdira, la mise en place d’activités culturelles n’est pas aisée, et les associations font souvent face à un manque d’effectif, de communication, d’espace, et plus encore un manque de stratégie globale….
Depuis l’été 2017, une réflexion globale autour de la place de la culture est menée par une diversité d’acteurs. « L’idée c’était aussi d’organiser des débats et des études permettant des diagnostics sur la situation culturelle de Fès. L’important c’était que tout le monde identifie les problèmes », souligne Mekki. Un point d’autant plus crucial que ces moments de réflexion ont crée un espace de dialogue entre associations, artistes, opérateurs publics ou encore habitants.
Craft Draft : une voix pour l’artisanat et l’entreprenariat social
A côté des associations, d’autres acteurs se mobilisent et proposent de nouveaux modèles associant art et mise en valeur du patrimoine. Après des études au Maroc et aux Etats-Unis, Hamza el Fasiki a décidé de consacrer sa vie à la transmission de certaines techniques artisanales au travers du projet Craft Draft.
Associant une réflexion sur les techniques de transmission et l’entrepreneuriat social à une analyse du fonctionnement touristique et économique de la médina, il a ouvert un atelier d’artisanat. Situé à côté de la Bab R’cif, Hamza el Fasiki y propose des ateliers de formation à divers artisanats tels que la papeterie, la broderie, ou encore le cuivre…
Destiné à l’origine aux Marocains, dans le but de soutenir la transmission des maîtres artisans vers les populations plus jeunes, le projet a évolué en s’ouvrant à tous les publics. Notamment les touristes à qui il propose une expérience différente de la médina, basée sur le découverte manuelle de l’artisanat et le partage de connaissances.
En prise avec les enjeux actuels à la fois patrimoniaux, économiques et culturels, la médina de Fès voit de nouvelles initiatives venant explorer la manière dont la culture et l’artisanat demeurent des outils fondamentaux dans le développement de cet espace millénaire.
Reportage publié pour la première fois en juillet 2018 sur la plateforme W.A.R