C’est dans le quartier de Mar Mikhael, à Beyrouth, que se trouve l’atelier du peintre libanais Jacques Vartabedian. Entre le coin branché de la capitale libanaise et le quartier arménien de Bourj Hammoud, rencontre avec un artiste émergent.
Jacques Vartabedian est un peintre libanais d’origine arménienne, diplômé des Beaux-Arts. Après avoir participé à plusieurs expositions au Liban et ailleurs – y compris à la Biennale de Milan (2015) et à Hong Kong Art Central (2016) – il reçoit le prix de peinture « Art of Board Project Beirut » du groupe Saradar en 2015, puis le prix de la Fondation Boghossian en 2016.
Mar Mikhael, 20 heures. La « journée de travail » débute pour Jacques, qui démarre une playlist symphonique et me sert un verre. Aujourd’hui, il commencera un peu plus tard. Juste le temps de revenir un peu sur son parcours.
C’est en 2015, après une véritable reconversion, que Jacques Vartabedian se lance à temps plein dans la peinture. Depuis 2014 et jusqu’en 2016, il peint principalement des portraits.
A mesure qu’il développe sa technique et se fait connaître, les quelques portraits de l’artiste deviennent des portraits en série, à « accrocher aux murs », à l’image des portraits de famille accueillant souvent les visiteurs dans les salons libanais.
L’œuvre de Jacques Vartabedian s’ancre ainsi dans un ensemble de traditions. Celles de son pays, et sans nul doute celles de sa famille arménienne. Pour certains, les travaux de l’artiste rappellent d’ailleurs aussi les icônes de saints que l’on retrouve un peu partout dans les appartements des familles chrétiennes du pays.
S’ils sont parlants, les portraits de Jacques ne sont pas pour autant tout à fait pénétrables. De fait, le pinceau du peintre n’est pas net. Sa technique et la superposition de ses couches de peinture rendent les traits saillants et caractériels, mais flous. Dans l’ensemble de son œuvre, Jacques s’intéresse de cette façon aux processus et à leur développement, plutôt qu’à l’objet fini.
Présenter des portraits non-identifiables est aussi – évidemment – un moyen pour le peintre de les dépersonnaliser. C’est cette démarche qui permet à Jacques de s’intéresser non seulement à l’objet de l’art mais aussi au sujet qui perçoit l’œuvre. De fait, face aux portraits présentés par l’artiste, les perceptions diffèrent. Et tandis que le visiteur contemple l’œuvre, le regard de l’artiste, lui, se penche sur le visiteur.
En étalant ses œuvres sur le sol de son atelier les unes après les autres, Jacques révèle beaucoup de travaux jusqu’à présent inconnus du public, car jamais exposés. Leur univers pictural est beaucoup plus divers qu’on aurait pu le croire, mais certains thèmes reviennent, avec en premier lieu la question du temps et de l’espace, qui prend souvent, chez l’artiste, la forme d’un arrêt sur image. Car ce qui intéresse Jacques est l’instant « t ». Celui d’un immeuble en construction qui, quelques minutes après avoir été vu, entre déjà dans l’histoire. Et même celui des murs de son atelier, qu’il cherche à capter en les photographiant ou en les peignant, avant que son pinceau ne déborde encore des contours du cadre de peinture, transformant à nouveau, d’une minute à une autre, l’atelier du peintre.
En tant que lauréat 2016 du prix de la Fondation Boghossian, Jacques se voit offrir la possibilité de travailler à Bruxelles, dans la résidence d’artistes de la Villa Empain. Pour le peintre, ce séjour sera sans doute l’opportunité de développer des thèmes liés à son identité arménienne. A Beyrouth comme ailleurs, un parcours à suivre.
Retrouvez Jacques Vartabedian sur Saatchi Art et sur son compte Instagram.