Projeté en mai dernier au Festival de Cannes, en ouverture de la section Un certain regard, le nouveau film du réalisateur égyptien Mohamed Diab, Clash, est un huis clos engagé et puissant qui tient en haleine le spectateur, malgré une mise en scène inégale.
Dans son film Clash (Eshtebak en VO), co-écrit avec son frère Khaled, Mohamed Diab propose un drame politique et social qui se tient au Caire, en 2013, après la destitution du président Mohamed Morsi. Sorti le 14 septembre dans les salles françaises, Clash met en scène des manifestants aux convictions politiques et religieuses divergentes, enfermés dans un fourgon de police, entraîné au cœur du chaos ambiant. Ce film représentera l’Égypte dans la catégorie Meilleur film étranger lors de la prochaine cérémonie des Oscars.
Mohamed Diab, réalisateur engagé controversé
Ce n’est pas la première fois que Mohamed Diab aborde les tourments de la société égyptienne. Engagé et connu pour son implication dans la révolution de 2011, le réalisateur avait déjà fait parler de lui avec son film Les Femmes du bus 678, sorti en 2010, qui abordait la question du harcèlement sexuel dont sont victimes les femmes dans les rues et transports publics en Égypte.
Très bien reçu par la critique internationale, Clash fait l’objet de nombreuses controverses en Égypte. Malgré une mention – pour le moins partiale – apposée en début de film, imposée par l’Autorité nationale de la censure : « Après la révolution du 30 juin, les Frères musulmans ont provoqué des affrontements sanglants pour empêcher la transition pacifique du pouvoir », les partisans du régime en place l’ont attaqué. Ainsi, dans son émission Ana Masry (Je suis égyptien), la présentatrice Amany El-Khayat, de la télévision d’État égyptienne Nile TV, a accusé Mohamed Diab de peindre, dans ses films, une vision déformée de la société égyptienne.
Les autres détracteurs du film lui reprochent de donner une image trop édulcorée des violences policières. D’autres de proposer une représentation partisane des Frères musulmans ou, au contraire, d’en esquisser un portrait trop caricatural. L’animateur de radio égyptien Ibrahim Eissa juge même que le film est une « offense à la révolution du 30 juin ».
La révolte à l’arrière d’un fourgon
Le Caire, été 2013. En toile de fond, les révoltes font rage dans les rues du Caire, après la destitution par l’armée du président Mohamed Morsi. La caméra est embarquée à l’arrière d’un fourgon de police qui se remplit progressivement de manifestants de tous bords. Des Frères musulmans, une infirmière avec son jeune fils et son mari, de jeunes partisans du retour au pouvoir des militaires, un imam et sa fille ou encore deux journalistes: ils sont une vingtaine à bord, à se débattre pendant 24 heures, dans une chaleur étouffante. Jusqu’à la fin, la caméra ne sortira pas de cette prison roulante, provoquant un sentiment de claustrophobie, même chez le spectateur.
Les interactions entre les personnages alternent entre moments de discorde, parfois violents, et d’entente, voire d’entraide. Dépassant leurs divisions, ils parviennent, par moments, à faire tomber les barrières qui les séparent. Alors des liens fragiles se tissent, autour d’instants brefs, parfois aussi simples qu’une partie de morpion entre deux enfants.
Seul véritable point de fuite, les fenêtres grillagées du fourgon à travers lesquelles on aperçoit une ville prise dans la confusion des manifestations, parfois meurtrières, accentuant la tension permanente qui caractérise ce film.
En dépit de certains dialogues caricaturaux et d’un rythme déséquilibré, le scénario se rattrape grâce à quelques pointes d’humour apportant un soupçon de légèreté dans l’anxiété ambiante.
Un huis clos mobile qui n’est pas sans rappeler l’excellent Lebanon de Samuel Maoz et qui a le mérite d’en partager l’intensité.
Huis clos symbolique
Mohamed Diab a tenté de recréer une micro-société égyptienne reflétant les clivages qui la déchirent, menant à une impasse illustrée par ce fourgon de police, dans lequel est piégé le microcosme. La chaleur du fourgon symbolise une société asphyxiée, suffocante. Une image renforcée par des acteurs au bord de l’évanouissement.
Malgré un récit simplifié des divisions qui animent la société égyptienne, Clash met le doigt sur la question universelle de la coexistence et sur la difficulté des Égyptiens à dialoguer. Un manque de dialogue, conduisant à une confusion extrême, qui mène jusqu’à l’absurdité de la scène finale, reflet d’une société à cran qui a comme seule issue la violence.