Le film de Nathalie Nambot et Maki Berchache, diffusé à Paris, dans le cadre du Maghreb des films, retrace les sentiments et le chemin de Maki, d’un petit port de Tunisie jusqu’en France.
La salle s’assombrit, une voix off semble réciter un texte, sur l’écran les vagues d’une mer déchaînée captent nos regards.
Après plusieurs minutes, un nouveau plan quasi-statique est projeté pendant qu’une voix continue son récit. Elle raconte le départ des harraga (migrants clandestins), ces « brûleurs de frontières », et celui de Maki en particulier, également co-réalisateur du documentaire. Son visage apparaît parfois à la caméra. Regard dans le vide, il raconte son histoire. Mais les mots sont choisis, ils ont été préalablement écrits pour l’occasion.
La scission est nette avec un style plus classique du documentaire. On se souviendra notamment de Séparations, de Fehti Saidi, qui suivait un tunisien dans sa galère française. Avec Brûle la mer, on a parfois plus l’impression que les réalisateurs se sont laissés aller à leurs réflexions sans penser à un auditoire, sans penser aux spectateurs. Il manque l’idée de partage. Les images animées font défaut. Pourquoi alors avoir fait le choix de ce médium et exclure une œuvre mêlant photos et son ?
Le film se termine, place au un débat.
Une jeune femme prend le micro. Dans la salle ses mots éclatent, elle est en colère. « Pour une fois que les racisés ont la parole » dira-t-elle. Pour elle, ce film nécessaire doit être à destination du « monde occidental, pour ne pas dire blancs ». Les regards bienveillants font place aux mines choquées par de tels propos.
Une femme prend la parole. « Je voulais vous remercier pour ce magnifique documentaire, c’est un documentaire qui nous interpelle, on se culpabilise après parce que l’on a failli passer à côté de cette misère humaine ».
Les mots sont simples et clairs, ils ont percé le silence de cette toute petite salle. Il est donc encore possible de passer à côté. Il est temps, grand temps, plus que temps, que les yeux s’ouvrent. Première étape nécessaire (et non suffisante).
Devant Brûle la mer le temps passe lentement, sans doute trop, mais il n’est vraiment pas perdu.