Border Independent Art Factory, un espace qui déconstruit les frontières

En descendant de la Kasbah vers la corniche, on aperçoit au loin des nuages taggués noir sur blanc. Les caractères « Border » se détachent sur une façade qui fait face au nouveau port et donne sur une mer agitée par la petite brise tangéroise de septembre.

C’est Omar Mahfoudi en personne, le co–fondateur de l’espace qui nous guide vers Border Independant Art Factory, un centre d’art indépendant qu’il vient de créer avec son associé Hamza El Messari, aux abords du quartier espagnol. En gravissant les marches, nous croisons les poissons dessinés qui s’y baladent allègrement, au détour de peintures murales éclatantes de couleur.

Border © Mehdi Drissi / Onorientour

Border © Mehdi Drissi / Onorientour

A space on the edge

Une fois dans l’espace, le sens du terme « Border » prend instantanément son double sens, aussi bien géographiquement que conceptuellement. Nous découvrons 350 mètres carrés de friche artistique où les œuvres d’arts côtoient les photographies et les compositions. Ce caractère underground, alternatif et urbain, Omar Mahfoudi y tient beaucoup. L’artiste visuel nous explique comment cette ancienne usine s’est transformée en espace d’art il y a 8 mois et a accueilli 4 expositions déjà. La dernière en date s’intitulait « Youmein » et, comme son nom l’indique, elle s’est déroulée sur 2 jours et avait pour objectif de regrouper une vingtaine d’artistes autour d’une thématique commune, « les limbes », afin de confronter et croiser leurs perceptions et leurs travaux sur ce socle commun.

Border © Mehdi Drissi / ONORIENTOUR

Cet espace qui se veut « frontalier » et marginal, pour l’importance qu’il accorde aux arts contemporains, accueille déjà des artistes en leur mettant à disposition des ateliers de production et des espaces d’exposition à l’occasion de vernissages mensuels. Il a également vocation à prendre des artistes en résidence et abriter des spectacles réguliers.

Mais Border ne veut pas simplement être un espace de production artistique au sens strict, il aspire à être un lieu de partage, propice au co-working et à l’échange. Le lieu a, en effet, déjà accueilli des cours de photographie et de peinture pour les non-initiés, en plus de séances d’apprentissage de la darija (dialecte marocain) ou encore de yoga.

Border © Mehdi Drissi / Onorientour

Border © Mehdi Drissi / Onorientour

En se baladant dans l’espace, on y découvre les toiles poignantes et torturées de Mohamed Said Chaer et les photographies amusantes de Bilal Touzani qui a immortalisé par le flash, un clown sur échasses alors qu’il déambulait dans la médina de Tanger. Au cours de notre visite, nous faisons aussi la connaissance de deux artistes qui font justement vivre l’espace par leurs créations artistiques éclectiques et nous parlent de leur parcours personnel.

Azad Farishtah © Mehdi Drissi / Onorientour

Azad Farishtah © Mehdi Drissi / Onorientour

Après s’être essayée à l’économie puis à la psychologie, Azad Farishtah a atterri à Border pour se consacrer exclusivement à sa passion pour l’art. Sensible à la force des couleurs et aux lignes sineuses, Azad se laisse  guider par son instinct pour créer ses oeuvres. « C’est devenu une obsession » dit elle en parlant des lignes hypnotisantes qu’elle trace des heures durant. Azad nous confie réfléchir actuellement à un projet qui portera sur la migration subsaharienne et a déjà entamé une réflexion qu’elle illustrera dans ses prochaines oeuvres.

Sonia Merzaga © Mehdi Drissi / Onorientour

Sonia Merzaga © Mehdi Drissi / Onorientour

Comme Border est aussi un espace « transfrontalier », nous faisons également la rencontre d’une franco-algérienne, qui après un tour du monde, a décidé de poser bagage à Tanger et à se dédier à la création. Pleine d’enthousiasme, Sonia Merzaga nous présente ce jour-là son projet intitulé « Incohérences » qu’elle explore et nourrit par la photographie, les installations, les photo-montages et les vidéos. Les incohérences qu’elle explore se situent à bien des niveaux. Sonia évoque le masque social que l’on arbore pour correspondre à telle ou telle catégorie prédéfinie; mais elle s’intéresse aussi aux jeux des politiques qui instrumentalisent la religion au service des intérêts économiques.

Dans une autre de ses oeuvres qui lui a été inspirée par son voyage en Iran, Sonia nous confie avoir voulu représenter son choc quant aux extrêmes qui structurent la société iranienne. « Entre l’extrémisme politique du Shah et l’occidentalisation mimétique », il n’y a qu’un pas, et pourtant, celui-ci est franchi inconsciemment par beaucoup de jeunes du pays. Ces incohérences qui hantent Sonia existent aussi avec un aspect environnemental. Elle l’évoque en nous parlant de la saleté qui abîme les paysages alors même qu’elle est censée être incompatible avec une religion qui exige une propreté extrême pour les ablutions et les prières. En permettant aux artistes et aux acteurs culturels de coopérer et d’échanger, en plus d’ouvrir l’espace au grand public, Border est un espace prometteur qui veut détruire les frontières de l’accès à l’art, à sa production et à sa diffusion.

Sonia Merzaga © Mehdi Drissi / Onorientour

Sonia Merzaga © Mehdi Drissi / Onorientour

Adresse :

Immeuble Marina B, Rez-de-chaussée
Quartier espagnol
Tanger
Maroc

Laisser un commentaire