Du 28 novembre au 2 décembre, La Colonie accueille « Beirut Noise » ou littéralement « le bruit de Beyrouth » un événement qui, d’après ce que son nom laisse supposer, témoigne de l’agitation de la cité libanaise.
Détrompez-vous, bien que les récentes péripéties du premier ministre Saad Hariri soient au cœur de l’actualité, ici ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Comprenez plutôt : une semaine dédiée à la scène musicale et graphique expérimentale de Beyrouth et au cinéma contemporain libanais. Cette thématique qui peut sembler pointue à prime abord n’a en réalité rien d’étonnant lorsque l’on sait que la ville est incontestablement l’une des capitales culturelles les plus actives du monde arabe.
Depuis le début des années 2000, marquée par les conflits politiques, une génération ayant grandi pendant les deux guerres et les différentes occupations israéliennes s’oppose à la logique amnésique qui découle de ces bouleversements. En réaction à la vacuité de la musique populaire libanaise, les musiciens tels Raed Yassin et Sharif Sehnaoui rompent avec ces formes commerciales orientalistes ainsi qu’avec différentes traditions musicales arabes pour s’aventurer vers des formes artistiques qui partent du free-jazz et de la musique improvisée pour aller vers le krautrock, le punk, le shaabi, l’éléctro… Pendant ce temps, avec le studio Safar, la critique s’exprime aussi dans les domaines de l’illustration, du graphisme et de la bande dessinée sur lesquels souffle ce même air contestataire.
Le cinéma n’est pas en reste non plus. Les films et documentaires questionnent, quant à eux, la place de la ville et la notion d’urbanisme. Ces artistes venus de tous horizons renouent ainsi avec l’esprit avant-gardiste et underground des années 1960, empreint d’une identité forte émancipée du modèle euro-américain.
Pour toutes ces raisons, Beirut Noise s’inscrit dans le projet de La Colonie, de promouvoir un monde décolonisé et décentré. Kader Attia, son fondateur, le définit à la fois comme « un bar et une agora ; un laboratoire et un lieu de fêtes, de paroles, d’écoutes, de partages, d’expérimentations et de monstrations ». Il a donc mis en place cette initiative en partenariat avec le festival Masnaâ (Casablanca), David Ruffel et Mazen Kerbaj afin de contribuer à sortir le regard français d’une vision réductrice de la création arabe contemporaine.
Au programme : concerts, DJ sets, expositions, conférences, projections… Et le beau monde évoqué sera évidemment présent, tout comme d’autres personnalités, dont Etel Adnan et Simone Fattal qui ouvriront les festivités avec une lecture de poèmes.