Un vent nouveau souffle sur la capitale libanaise. Des militants ont décidé de se mobiliser autour du mouvement Beirut Madinati pour se présenter aux prochaines élections municipales.
Le Liban traverse une profonde crise politique et sociale. Le pays survit sans président depuis près de deux ans, et les citoyens vivent parmi les ordures et la corruption. Le système politique semble figé depuis des années, « toujours les mêmes familles au pouvoir, rien ne changera jamais » entend-t-on de tous les côtés. Franchement, il y aurait de quoi baisser les bras mais heureusement certains ont choisi de reprendre le destin des citoyens en main… Quelques activistes et artistes issus de la société civile ont décidé de se battre pour redonner à la capitale libanaise ses lettres de noblesse. La toute nouvelle et fraîche liste électorale Beirut Madinati, « Beyrouth ma ville », entend bien secouer la classe politique et les grands partis classiques. Ce groupe de citoyens engagés, et non partisans confessionnels ou sectaires, fait figure d’espoir en se présentant aux prochaines élections municipales de la ville de Beyrouth qui auront lieu le 8 mai prochain.
Nous avons rencontré André Sleiman, sociologue de formation, qui fait partie de l’équipe de travail depuis le début et qui a contribué à l’élaboration du programme. Il coache aujourd’hui les candidats, entre beaucoup d’autres choses. Très occupé par la campagne, il a pris le temps de nous expliquer la genèse du projet. « Les manifestations[1] de cet été étaient stériles et n’apportaient aucune solution. Nous avons décidé de prendre les choses en mains. On voulait faire autre chose que juste du « refusisme ». Beirut Madinati est un projet citoyen né de la volonté de se réapproprier la cité comme entité politique et municipale. Faire partie du pouvoir (au sens noble du terme), était la seule solution pour changer les choses ».
Qui se cache derrière cette liste ?
Beyrouth Madinati compte 24 candidats. On y retrouve différents profils socio-économiques : des architectes, des urbanistes, des artistes, des chercheurs, des ingénieurs, des journalistes, des médecins et même un pêcheur. Aussi, (et il est important de le souligner) pour la première fois de l’histoire du Liban, une liste propose la parité homme-femme.
La célèbre réalisatrice Nadine Labaki fait partie des candidats de cette liste-espoir. Lors de la conférence de presse, elle s’est exprimée par ces mots, rapportés par L’Orient le jour : « Je suis terrifiée à la seule idée d’ouvrir les fenêtres de ma maison, nous sommes encerclés par les ordures et les moustiques. Il faut faire quelque chose, j’ai peur pour nos enfants, les miens, les vôtres, il faut que vous changiez ceci dans les urnes le 8 mai ». Et d’ajouter « À ceux qui disent que notre place n’est pas sur cette liste pour la simple raison que nous sommes des artistes, nous répondons : Oh que si ! Nous sommes les gardiens de l’âme de Beyrouth, Beyrouth la ville de tous, sans aucune exception ».
Bien dit, Nadine ! Beirut Madinati joue la carte de la confiance et de l’honnêteté, chose rare au pays de la corruption. La vie quotidienne est au cœur du programme, celui-ci se concentre sur une amélioration de la mobilité et de l’espace public.
La campagne de Beirut Madinati est loin de suivre les procédés classiques de placardage d’affiches aux sourires hypocrites. Le mouvement a fait le choix d’une très forte présence sur les réseaux sociaux mais aussi d’une véritable écoute auprès des citoyens en organisant des réunions dans différents quartiers de Beyrouth pour entendre les différents besoins.
Le monde associatif et culturel soutient largement la campagne. Un spectacle au Metro Al Madina, une promenade en vélo organisée par Beirut by bike, un grand concert au Station, une soirée spéciale au cinéma Metropolis, une séance de Yoga au parc HorshBeirut… Tous ces événements (et beaucoup d’autres encore) ont été labellisés Beirut Madinati, histoire de toujours augmenter la visibilité du mouvement et de récolter des fonds pour la campagne.
Outre les 24 candidats, plus d’un millier de volontaires sont engagés. « On est habités par cette cause », explique André Sleiman.
Mais malheureusement, Beirut Madinati a de fameux adversaires, en effet, ce sont les mêmes personnes qui sont au pouvoir depuis 25 ans maintenant. « Les gens votent pour les mêmes partis par habitude, par peur ou par conservatisme. Changer les habitudes de votes des gens, ce n’est pas simple mais on y croit », assure le jeune homme. Il semblerait bien que Beirut Madinati soit un véritable combat de David contre Goliath. Sans compter les politiciens qui n’hésitent pas à acheter les votes des citoyens… Mais, il ajoute, convaincu, « on n’est pas là juste pour faire du brouhaha, on est là pour gagner ».
Quoi qu’il advienne, Beirut Madinati est déjà une révolution en soi. Cette liste annonce le changement : l’action de la société civile dans le monde politique. En espérant que ce mouvement joue un rôle précurseur pour les autres villes libanaises.
Le pouvoir est désormais dans les mains des citoyens, à eux de se rendre aux urnes le 8 mai prochain ! En effet aux dernières élections municipales, seuls 20% des habitants de la capitale ont voté. Sans doute étaient-ils alors persuadés que leurs votes ne changeraient rien au système mis en place, mais ça c’est du passé !
Pour plus d’information, visitez le site de Beirut Madinati ainsi que leur page Facebook.
[1] Le Liban a connu une grande vague de manifestations cet été à l’initiative du mouvement You Stink.
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