Aya Tarek, haute comme trois bombes

Le Caire, capitale d’Égypte et épicentre culturel du pays. Pour rejoindre de prestigieuses écoles d’art, intégrer les réseaux marchands ou institutionnels ou pour tout simplement rencontrer leur public, plusieurs jeunes artistes égyptiens migrent vers Masr, la victorieuse. C’est le cas d’Aya Tarek, originaire d’Alexandrie, qui s’est récemment installée dans la capitale pour poursuivre sa carrière.

L’artiste

Une toile recouverte s’avance vers nous, quelques mèches en l’air dépassent et nous signalent la marche en avant de la jeune Aya. Petite mais aguerrie, son franc-parler ajoute au charme de son sourire délicat et accroche son auditoire.

Street-artiste confirmée, Aya Tarek a su se débarrasser de la peur des grands murs, pour finalement les apprécier pour leur surface exploitable. Les murs d’Alexandrie la connaissent, comme celle qui les a recouverte de toiles dignes d’un châssis. Les façades du Caire, attestent de ses passages sans connaître les vapeurs teintantes de ses bombes aérosols.

Aya Tarek s’intéresse à la communication urbaine et aux interactions entre espace public et privé. Ainsi, elle transporte vers ces lieux ouverts, des éléments inhérents aux individualités. Mais au Caire, Aya avoue ne pas être inspirée pour marquer les murs cairotes :

« االقاهرة – Al Kahira est brouillante et incontrôlable. Son ambiance nocturne m’enivre, mais son agitation continue me compresse l’esprit en le chargeant de nombreuses pensées».

Aya Tarek © Mehdi Drissi

Aya Tarek © Mehdi Drissi

Inspirations

Les conditions de création d’une œuvre décident souvent de ses contours et dans le cas des artistes intervenants dans la rue, l’environnement est une partie intégrante dans la conception et la lecture de leur fresque. Aya fait partie de ces artistes qui adoptent des rituels spécifiques dans leur démarche. Du mouvement de ses mains à l’exécution d’une peinture, le tout est bercé par le son d’une musique qui lui rappelle un intérieur familial.

Dans plusieurs maisons égyptiennes, la TV est allumée à longueur de journée tandis que toute la famille continue ses activités habituelles. Aujourd’hui, le fond sonore des films égyptiens a cédé la place à celui des dramas turcs qui se succèdent sur des chaines satellitaires suivies dans l’ensemble des pays arabes. Le choix de Aya reste quant à lui classique et parfois tenté par les films égyptiens corrosifs de la fin des 80’s. « Ce matin, je voulais écouter un passage de Nabila Obeid dans الراقصة و السياسي – La danseuse et le politicien », chuchote-t-elle dans un rire timide avant de se reprendre « mais, parfois je préfère écouter du Chopin et du Tchaïkovski».

White Wall © Aya Tarek

White Wall © Aya Tarek

Rencontres

Après des participations à différentes manifestations telles que « Djerbahood » en Tunisie, « White Wall » à Beyrouth ou encore « CityLeaks 2013 » à Cologne, Aya revient tout juste de Floride où elle a pu orchestrer l’exécution de deux fresques à l’USF Graphicstudio.

Ces rencontres l’ont mené à travailler avec différents artistes tel que son acolyte Ammar Abou Bakr, El Seed, Tinine… et l’ont amené aussi à être remarqué par son parrain artistique : Don Stone. Don est un commissaire d’exposition et associé à la maison d’édition« From here to fame Publishing». Lorsqu’il entame sa tournée dans le Moyen-Orient pour son projet « Arabic Graffiti », il rencontre Aya à Alexandrie, apprécie son travail et l’inclut dans ce livre sur la première génération de Calligraffiti arabe. Depuis, il la suit de près.

Ces expériences ne font que confirmer la qualité du travail d’Aya, street-artiste, mais peintre avant tout, dont l’univers graphique ne tarît ni de couleurs ni de diversité de styles. Fascinée par la bande-dessinée et petite fille d’un illustrateur d’affiches de films, Aya adopte souvent la figuration pour représenter des personnages expressifs aux traits incisifs.

Rip Off © Aya Tarek

Rip Off © Aya Tarek

L’accent mis sur le regard fait ressortir des yeux marquants. Des yeux qui, lorsqu’ils ne sont pas représentés, sont détournés et dévoilent par leur absence, une expression encore plus puissante.

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