Le 17 avril se tient l’élection présidentielle en Algérie. La campagne électorale se clôture en attendant le vote. La musique qui a rythmé ces dernières semaines de campagne résonne encore.
« Khalouni Neftekher brais bledi » (laissez-moi être fier, du Président de mon pays), entend-on, place de l’émir Abdelkader à Alger. La mélodie et les paroles interpellent l’ouïe des passants. La musique est diffusée du haut d’un balcon. Un portrait géant du président sortant Bouteflika accompagne le son. Le pays vit une situation inédite, un président fantôme, malade, se présente pour un quatrième mandat. Au milieu de ce chahut, la culture a une petite place, non pas dans les programmes électoraux, mais dans les meetings et dans la rue.
Bouteflika’s song
Quelle musique siffle du haut du balcon ? Notre serment pour l’Algérie, la chanson de soutien au président Bouteflika. Près de soixante artistes se sont réunis pour chanter au nom de la patrie algérienne sous la réalisation de Djaffar Kacem. On retrouve parmi les personnalités Cheb Khaled, Smaïn, Kader Japonais, HK Azzou Hood, Kenza Farah et le football Lakhdar Belloumi.
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Le clip a été diffusé sur Youtube par le compte de la direction de campagne de Abdelaziz Bouteflika. Puis, retransmis durant les meetings de ses représentants, parmi une playlist très Cheb Khaled. Très vite, la chanson a suscité la polémique sur les réseaux sociaux. Les artistes ont été critiqués pour leur soutien au Président. Kenza Farah, puis Smaïn se sont désolidarisés du clip de campagne. l’humoriste s’est rétracté affirmant qu’il n’avait pas saisi la portée du texte ne parlant pas l’arabe. Pourtant, les paroles sont claires.
Laissez-moi chanter. Laissez-moi être heureux. Laissez-moi être fier de mon président qui a prêté serment à l’Algérie, et qui a tenu la promesse de millions de martyrs.
Kenza Farah, quant à elle, pensait participer à un clip We are the world made in Algeria. Les artistes auraient touché au maximum un cachet de 20 millions de dinars algériens, affirme le rappeur HK Azzou Hood.
« Votez Benflis, il deviendra Rais », autre candidat, autre chanson. Le principal opposant au président sortant n’est autre que Ali Benflis, son ancien chef du gouvernement de 2000 à 2003. Depuis quelques jours, sa propre chanson circule sur le net et s’entend aux meetings.
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Mon Président est encore jeune
Le désintérêt vis-à-vis de cette campagne électorale est notable. Les réseaux sociaux et la musique sont-ils un nouveau souffle pour les communicants politiques ? En dehors des chansons partisanes et de la prostitution culturelle, d’autres artistes se sont engagés pour le changement face à ce qui est qualifié de « mascarade électorale« .
« Non au 4ème mandat, ce n’est pas possible ! », rap Anes Tina. Avant même que Abdelaziz Bouteflilka n’annonce sa candidature à l’élection, l’humoriste et chanteur lui adresse un message : « Va te reposer ! ». Il fait état de la déliquescence sociale dans le pays et énumère au président les problèmes : corruption, pauvreté, chômage… » Je veux lui dire qu’il est temps pour le changement. Je mets à profit ma notoriété pour que mon message soit entendu », déclare-t-il à El Watan.
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Près d’un mois plus tard, Abdelaziz se déclare candidat par le biais son premier ministre, puis par un long communiqué lu à la télévision publique. Il brigue un 4e mandat. D’autres artistes réagissent et dénoncent, dans l’espoir d’éveiller les consciences.
« Pays de l’ignorance, pays de merde plein d’obstacles où les jeunes boivent pour oublier leur état », Jungle Africa, le groupe algérien dénonce le 4e mandat sans détours. « On a voulu être des artistes, on nous a pas laissé. Ce n’est pas le pays de la culture, c’est le pays de l’argent », s’insurgent-ils. Le groupe enregistre la chanson en France où il est exilé depuis quelques semaines. Les artistes représentants de toute une génération réclament le changement.
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« Mon président mazal sghir », ironise Democratoz dans le texte et dans l’image. Il joue le jeu de la subtilité. L’artiste met en scène un enfant, à l’image de Abdelaziz Bouteflika. Le gosse ne décroche pas un mot ! Assis sur une chaise, il tente de s’échapper, mais des mains anonymes l’en empêchent. Le groupe Democratoz a été contacté pour participer à un clip en faveur du président-candidat âgé de 77 ans. Il refuse et réagit en réalisant ce dernier morceau.
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« Il faut qu’on soit solidaires entre artistes. Notre rôle n’est pas seulement de chanter. Ce n’est pas oublier la réalité, mais surtout de dire la vérité. L’artiste a une grande responsabilité. Il peut éveiller les esprits. Il suffit qu’il dise un mot », affirme Sadek de Démocratoz. Il regrette que des artistes et des personnalités soient à l’initiative du clip Notre serment pour l’Algérie. « Il faut que l’artiste soit autonome. Dans notre pays, l’Etat profite de la situation marginale de l’artiste. Il promet de l’argent et de la visibilité à une personne, qui, au départ n’as pas un grand public ». En cherchant la notoriété, certains prennent facilement part au jeu, explique-t-il.
Largement diffusées sur la toile, les chansons politiques ont donné à la campagne une autre consonance. Puis, les Algériens n’ont pas manqué d’ingéniosité pour détourner la logorrhée politique. Montage, remix… Qu’est ce qu’on s’amuse en politique !
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