Tout juste de retour d’une résidence artistique à la cité des arts de Paris, Alaa Abdelhamid semble déterminé et confiant pour ses nouveaux projets. Une étape charnière dans sa carrière artistique qui fait mûrir et libérer sa pratique. Les projets en cours de réalisation, dont il nous parle, nous confortent dans notre première impression.
Une renaissance
Ce natif de Mansoura quitte dès 16 ans sa ville pour le tumulte du Caire. Il rejoint le département de sculpture à l’Ecole technique des arts. Cette orientation l’amènera à travailler la matière et à se focaliser sur le façonnage d’objets.
Aujourd’hui, sa recherche ne se limite plus à la finalité de la forme, elle s’intéresse à l’interrogation et au développement de concepts. L’œuvre prend ainsi forme au fur et à mesure de l’avancement du processus créatif pour aboutir à un résultat qui, par la force de la technique et l’évolution de la pensée, concilie fond et forme. Adepte du pluri-medium, Alaa doit à sa récente résidence artistique l’annihilation de ses craintes.
« Mon séjour en France a eu lieu à une juste période, où je voulais me renouveler mais où je craignais de bousculer mon entourage qui s’est habitué à une facette de mon travail. En allant à l’étranger, j’ai osé. »
A la frontière du réel
Cette petite retraite loin du vacarme de la place Tahrir, qu’Alaa a occupé pendant quatre ans pour tantôt y scander des slogans, tantôt tagguer sur les murs, a abouti à la création de deux pièces qui brouillent les repères entre le réel et l’illusion.
« The paradoxical case of the man who called Sara » est une installation mêlant bois, papier et textes pour créer une confusion des genres chez le récepteur. La deuxième pièce s‘intitule « The story of an object », une pièce complète qui tisse une intrigue particulière autour d’un objet mystérieux. Composée à la fois d’un film retraçant la trouvaille de l’objet et un livre archivant les étapes de la recherche de son origine, l’œuvre fonde une historiographie de la petite chose. En se référant à une histoire supposée, Alaa avoue vouloir interroger le rapport de sa société à son histoire et la conception courante de l’actualité biaisée par des discours médiatiques trompeurs.
Outre le médium plastique, Alaa a aussi un fort attrait pour l’écriture. D’expression arabophone, il enfile les mots telles des perles dans une prose entraînante. Au cours de ces derniers huit mois, l’artiste-écrivain a orienté ses recherches sur l’Egypte fatimide et a entamé la narration d’une épopée dont les péripéties se produisent au cœur de Bab Zwila, dans le quartier de Darb Alahmar (rue Ahmar).
Une tentative de trêve politique
« Ici, l’histoire est dictée et sacrée. J’ai donc décidé d’en jouer » nous confie Alaa. Son jeu artistique continue de frôler le politique, même quand il nous assure vouloir prendre une trêve. En 2011, sa pièce « The solution is the solution », exposée à Artellewa, à la préfecture de Gizeh, s’attaquait directement aux Frères musulmans qui se prétendaient être la solution pour tous les maux. Aujourd’hui, les pièces de Alaa sont plus subtiles et inconsciemment engagées.
Sur les élections municipales courantes, Alaa décrit la situation comme un spectacle de « fantasia ». Les taux de participation ridicules prouvent que la population, lassée, boude les urnes et se refuse de participer à la mascarade.
« J’ai décidé d’avoir une pause et essaye de me concentrer depuis 2014 sur mes travaux, avant de me retrouver à nouveau entrain de traiter du politique sans le décider… »
Actuellement, Alaa se prépare pour une résidence de 4 mois à Cassis (France) où il produira une nouvelle en 3D qu’il présentera à Venise (Italie) dans le cadre d’une exposition personnelle.