A World Not Ours. La Palestine dans l’exil

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Dans A World Not Ours, on découvre une nouvelle façon de voir la Palestine : à travers les yeux de ceux qui n’y ont jamais vécu, qui n’y retourneront jamais, et pour qui la cause a été perdue depuis bien longtemps.

Organisée en présence du réalisateur par l’Association des Rencontres Méditerranéennes du Cinéma et des Droits de l’Hommela projection du documentaire A World Not Ours est l’occasion de découvrir un réalisateur talentueux, portant un regard original sur la Palestine.

Enfant de l’exil, Mahdi Fleifel nous livre dans son documentaire une vision personnelle, humaine, mais surtout, désaxée du problème palestinien. La cause arabe par excellence cristallise les passions depuis des décennies, les films s’y référant sont souvent guerriers, militants, politiques. Rarement un réalisateur s’est attardé sur les histoires personnelles. Surtout celles des enfants de réfugiés. Ceux qui n’ont jamais vu la Palestine, pour qui elle n’est qu’un mythe, et dont la représentation la plus concrète est le misérable salaire versé par l’OLP. Né à Dubaï, Mahdi Fleifel a vécu à Aïn El Hilweh plusieurs années avant d’aller vivre au Danemark, puis à Londres où il réside.

Aïn El Hilweh, c’est le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban. Une prison à ciel ouvert, dans un pays où les droits des palestiniens sont quasi-inexistants, dont les entrées et sorties sont contrôlées par l’armée libanaise, et dont les habitants sont condamnés à un avenir misérable, la plupart des métiers leur étant interdits au Liban. Une prison à ciel ouvert où Mehdi a promené sa caméra, et son père avant lui, pendant des années. Chaque séjour est l’occasion d’accumuler des centaines d’heures d’archives vidéo. De ces archives est né A World Not Ours, un documentaire dont le personnage principal est Abu-Iyad, un ami du réalisateur, né, comme son père, à Aïn El Hilweh. La Palestine pour lui, ce sont les souvenirs de son père, les photos d’Arafat accrochées aux murs des locaux de l’OLP, dont il est salarié. Au fil du film, on découvre des personnages attachants, touchants, des scènes surréalistes, des moments de grâce, mais également des moments de franche rigolade. A travers les personnages d’Abu-Iyad, du grand-père de Mahdi Fleifel, de son oncle, Mehdi pose sa caméra sur des visions très diverses de cette terre promise, déniée, qu’est la Palestine. Le cynisme d’Abu-Iyad à l’encontre du leadership palestinien, les plans militaires de son propre père pour récupérer la Palestine en détruisant l’arsenal nucléaire Israélien, les rares moments de détente que constituent les matchs de la coupe du monde de football, tout cela est filmé par Fleifel sans le moindre parti pris, sans poser de jugement sur les vues des uns et des autres. Car, si Abu-Iyad déteste les leaders palestiniens – n’en déplaise aux autoproclamés défenseurs du droit au retour -, comment lui en vouloir, alors que ceux-ci se sont enrichis à vu d’œil, tandis que lui, son père, et les 70.000 réfugiés de Aïn El Hilweh vivent dans ce qu’il convient de considérer comme un ghetto, au vu et au su de la communauté internationale et du monde arabe. Dans l’histoire familiale de Mehdi, l’histoire personnelle d’Abu-Iyad. Dans ces images d’archives filmées sur plusieurs dizaines d’années, on découvre une nouvelle façon de voir la Palestine : à travers les yeux de ceux qui n’y ont jamais vécu, qui n’y retourneront, de toute évidence, jamais, et pour qui la cause a été perdue depuis bien longtemps. Au-delà de la force des mots et des images, c’est un vrai moment de cinéma, un cinéma vivant, où l’influence des frères Dardenne se fait sentir à longueur de temps, par cette caméra d’épaule saccadée, par la profondeur du sujet traité – quoi qu’avec plus d’humour et de légèreté que les frères Belges -, porté par une bande son jazz envoûtante. Éternel exilé, comme tant d’autres, Mehdi nous fait découvrir sa maison d’adoption, qui se trouve être un misérable camp de réfugiés, un autre parmi les dizaines qu’ont du établir la 1ère génération d’exilés : la seule qui a vu les oliviers. Pour les autres, ce mythe représente bien peu, et leur colère est autant dirigée envers les Arabes qu’envers les Israéliens. Dans un monde marqué, depuis quelques années, par la résurgence des camps de réfugiés, au Liban, en Turquie, en Jordanie,  mais également ailleurs, au Darfour, au Cambodge, dans tant de régions du monde marquées par la guerre, A World Not Ours est définitivement un film à découvrir et à faire découvrir.

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