Alors que leur titre Akher Oghneyya, la dernière chanson, a dépassé le million de vues en seulement deux semaines sur YouTube et sur Facebook, le célèbre groupe égyptien Cairokee a accepté de répondre à nos questions.
Cairokee a fait ses débuts en 2003. C’est, aujourd’hui, un des groupes de musique alternative les plus célèbres d’Égypte, qui jouit également d’une popularité grandissante dans les pays voisins.
À l’instar du groupe Eskendarella, du musicien Ramy Essam ou des stars de l’électro chaâbi, comme DJ Figo ou Oka et Ortega, la musique aux accents rock de Cairokee a marqué la révolution égyptienne. À ce titre, la révolution du 25 janvier a poussé les musiques alternatives égyptiennes hors du placard pour les faire retentir dans les rues, et parfois même au-delà des frontières égyptiennes.
Le groupe Cairokee a d’ailleurs connu son premier gros succès avec le morceau Sout el-horreya (la voix de la liberté), écrit en 2011, durant les premiers jours de la révolution, et sorti peu avant la chute d’Hosni Moubarak. Hymne galvanisant et viral, le morceau a fait le tour des réseaux sociaux et des radios permettant au groupe d’attirer l’attention des médias internationaux, avec des apparitions sur la chaine américaine CNN et dans des publications comme Vanity Fair.
Dans leurs textes, les cinq membres du groupe parlent de la vie quotidienne du peuple égyptien et en particulier de sa jeunesse. Ils abordent des sujets de société, la justice sociale ou encore la liberté, ce qui n’est pas sans leur attirer quelques démêlées avec la censure égyptienne.
[youtube]https://youtu.be/TZu2euuj2GE[/youtube]
Avec leur dernier single, ils restent fidèles à leurs thèmes de prédilection. Akher Oghneyya prône la liberté – liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de choix – face à la culture de la peur entretenue par le gouvernement égyptien.
Le clip s’ouvre sur un écran noir, sur lequel est inscrit en arabe “ liberté et peur ne vont pas ensemble ”. Apparaissent ensuite les membres du groupe, qui marchent sur une voie ferrée, en chantant face caméra. Des images à travers lesquelles s’intercalent subrepticement des moments significatifs liés à la révolution de 2011 comme des images de manifestations, des mains tenant les barreaux d’une prison, des graffitis politiques ou encore une copie encadrée du journal Al-Ahram sorti après la chute de Moubarak le 11 février 2011, avec en Une “ Le peuple a fait tomber le régime ”.
Entretien avec le groupe qui fait résonner la liberté égyptienne.
Seulement deux semaines après sa sortie, votre dernier clip Akher Oghneya compte déjà plus d’un million de vues sur YouTube et sur Facebook. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Cette réaction positive est sans doute liée au fait que nos paroles peuvent concerner tous les Égyptiens. La liberté d’expression a été remise en question ces dernières années en Égypte. Nous pensions donc qu’il était urgent d’en parler et d’oser exprimer notre pensée sans céder à la peur. C’est un sujet qui occupe une place importante dans l’esprit de chaque Égyptien. Ainsi, ils peuvent tous associer leur propre expérience à ce titre et sentir qu’avec nos chansons ils ont ainsi voix au chapitre.
Pouvez-vous nous en dire davantage sur ce titre et sur le clip ?
Nous avons mis environ un mois pour achever ce titre. C’est après avoir essayé plusieurs versions différentes, en termes de production et d’arrangement, que nous avons fini par choisir celle-ci, qui nous convenait le plus et correspondait au message que nous voulions transmettre.
Notre vidéo est basée sur une idée simple. Les membres du groupe marchent sur une voie de chemin de fer tandis que le train, qui arrive, représente une menace potentielle mais la crainte ne nous empêche pas de continuer notre route ensemble. Au fil de la vidéo, nous avons intégré des messages « cachés », soigneusement choisis et placés au service de nos paroles.
En tant que groupe égyptien, avez-vous le sentiment d’avoir le devoir de transmettre un message ?
Absolument, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous faisons de la musique. Notre message est notre priorité et la musique notre moyen de l’exprimer.
Cette position est-elle difficile à tenir dans le contexte politique actuel ?
Notre seule préoccupation est de faire de la musique et nous considérons que nous pouvons le faire n’importe où et à tout moment, et ce aussi longtemps que nous pourrons respirer.
Selon vous, comment a évolué la scène égyptienne depuis 2011 ?
Aujourd’hui, les gens sont plus ouverts et acceptent davantage les possibilités de changement. Avant 2011, l’idée de jouer différents genres de musique et d’être différent était vu comme quelque chose de bizarre et difficile à accepter mais tout ça a changé avec la révolution.
Nous avons lu que vous enregistriez vous-mêmes vos albums et que vous disposiez de votre propre label. Est-ce une nécessité pour vous ?
C’est le seul moyen pour nous de survivre en tant que groupe de musique en Égypte. Ne pas disposer de notre propre label signifiait laisser la place à un tiers pour nous contrôler et interférer avec notre vision. Être indépendant était la seule façon envisageable pour nous de réussir en prenant nos propres décisions. C’est un choix que nous avons fait tous ensemble, dès le départ.
Votre carrière a commencé il y a un peu plus de dix ans. Voyez-vous des traces de votre passage dans la scène musicale égyptienne ?
Nous pensons que nous avons ouvert la voie vers la scène à de nombreux autres groupes. Quand nous avons commencé, c’était très difficile. Mais, à partir du moment où les gens nous ont acceptés et soutenus, il est alors devenu plus simple pour d’autres groupes de se lancer.
Quels sont vos projets à venir d’ici la fin de 2016 ?
Nous travaillons actuellement sur un nouveau single qui sortira cet été.
Entrez dans l’univers de Cairokee, avec cette courte playlist rassemblant leurs trois morceaux emblématiques de la révolution égyptienne et deux titres de leur dernier album.
[youtube]https://www.youtube.com/playlist?list=PLV5_Ql0203bOFd3Ae3q5gIik38xZ0lder[/youtube]
Membres du groupe : Amir Eid, Sherif Hawary, Tamer Hashem, Sherif Mostafa et Adam el-Alfy.