Ils sont jeunes, ont lancé leur propre marque de vêtements inspirée de la culture persane. Nous sommes partis à leur rencontre.
Deuxième de la série avec Yegan Mazandarani, qui a repris Scheyda, la marque de ses parents, pour lui donner un coup de jeune.
Comment t’es venue l’idée de créer ta marque?
Yegan – La marque n’est pas de moi, ce sont mes parents qui l’ont créée. Ils travaillaient depuis longtemps en tant que détaillants. Au fil des années, ils se sont adaptés aux évolutions de la société et de la mode. Dans le Sentier, à Paris, où se trouvent les ateliers, beaucoup d’entreprises de textile ont dû fermer, ou travailler pour de gros groupes. C’est le choix qu’ont fait mes parents : ça a très bien fonctionné jusqu’à la crise de 2007, mais depuis, le rapport de force est du côté des gros groupes. Du coup, mes parents ont d’abord commencé eux-même à réfléchir à comment faire évoluer la marque.
Je n’ai donc fait que rejoindre la marque de mes parents, avec la volonté de les aider, de faire quelque chose où je puisse valoriser mon côté parisien et mon origine iranienne. Faire quelque chose de très actuel en se posant sur une niche. Un ami a lancé sa marque mêlant influences péruviennes et occidentales, ça m’a inspiré. Du coup j’ai décidé de me lancer en décembre dernier.
Pourquoi Scheyda?
Yegan – Ma mère aime beaucoup le prénom Scheyda qui, en persan, veut dire « la chaleur », « le bien-être », « la sensualité ». Et puis c’est aussi le surnom de ma mère au travail, tout le monde l’appelle Scheyda depuis 40 ans dans le Sentier!
La culture persane, c’était une évidence?
Yegan – Ma mère, toujours, a fait du prêt à porter classique et toute une collection qui s’appelait « Iran éternel » au début des années 2000, une collection de haute-couture avec du cachemire iranien. Moi, je ne fais qu’une démocratisation de ce qu’a fait ma mère, avec une actualisation pour une population plus jeune, un peu plus « street ».
C’était donc évident de choisir la culture persane. Dès la fin de mon adolescence, j’ai commencé à revendiquer mes origines iraniennes, à voyager en Iran. C’était important de pouvoir l’inclure dans le projet, pour donner une image différente de l’Iran, qui n’est pas seulement celle des mollahs enturbannés.
Au départ, tu pensais vraiment qu’il y avait un public pour ce type de produits ?
Yegan – Je fais souvent des choses sur des coups de tête, c’est le cas pour ce projet. J’ai été très inspiré par Amir Tamirzadeh et sa marque Apadana, j’aime beaucoup ce qu’il fait. Est-ce que je pensais que ça allait plaire ? Je ne sais pas. Le cachemire iranien est quand-même une matière assez particulière, qui ne plaît pas à tout le monde.
J’ai fait une école de commerce, du coup en lançant les nouveaux modèles, j’ai fait une étude de marché. J’avais les exemples de différentes marques qui fonctionnaient. Pour moi, il y avait totalement la place pour ce que je faisais. Faire des vêtements de qualité, made in France. J’avais remarqué que ça pouvait marcher à la fois en France, en Allemagne, en Angleterre et en Suède.
Scheyda, c’est aussi un collectif?
Yegan – Oui, ça a déjà été un espace de création avec mon collectif, Trait Molo, on avait investi l’atelier de Scheyda. L’objectif était de ranimer une vie de quartier, faire des expositions nocturnes, fournir une scène à de jeunes artistes. À l’avenir, j’ai envie que Scheyda soit au service d’artistes, comme pendant la fête de la musique où on avait fait venir de petits groupes. J’ai même envie de créer un collectif d’entrepreneurs pour faire face aux gros groupes.
Quels liens tu as avec la communauté iranienne en France ? Comment perçoit-t-elle ta marque ?
Yegan – Je n’ai pas envie que Scheyda soit une marque communautaire. Je ne connais pas beaucoup d’iraniens. En revanche, j’ai eu beaucoup de messages d’iraniens qui ont aimé la démarche de Scheyda, qui m’ont envoyé des encouragements. J’ai eu un seul retour d’un iranien qui m’insultait. C’était sur internet. Le mec me demandait quelle était ma légitimité pour créer une marque alors que je n’ai pas vécu en Iran. À part ce mec, tous les autres iraniens m’ont encouragé. Ce sera toujours un retour important pour moi : si tous les iraniens de Paris me disent un jour que ce je fais ne leur plait pas, je prendrai en compte leurs avis.
Je me souviens que lorsque j’ai commencé à m’intéresser à Apadana, ça m’a fait plaisir que des vêtements comme ça existent. Je pense que j’ai acheté des vêtements Apadana parce que je suis d’origine iranienne. J’ai d’ailleurs un pull avec l’aigle de Persépolis. Ça me plait parce que l’insigne me parle. Ca se rapproche de tout ce qui est perse, zoroastre.
Quels sont tes projets pour l’avenir avec Scheyda?
Yegan – Je fais des photographies argentique, j’ai des projets en cours pour Scheyda. J’ai aussi des projets vidéos. J’ai des projets de musique avec des potes. J’ai le projet de repartir en voyage. J’ai envie de pouvoir aider des gens, trouver des groupes, des artistes, valoriser des compétences.
La campagne de crowdfunding est à 60% : on a un évènement à la Bellevilloise qui est prévu, un autre au Comptoir Général. Là on est en train de faire de nouveaux modèles. C’est motivant!